On pouvait reprocher beaucoup de choses à Dawn… d’être souvent peu souriantes, trop accro à son travail, pas assez altruiste avec autrui, mais pas de vouloir du mal à sa nièce Zoé. Au contraire, la jolie chef se pliait littéralement en quatre histoire de lui faire un tant soit peu oublier sa peine, et ce bien qu’elle ait récemment perdu sa mère. Leur douleur commune les avaient rapprochées, mais Dawn n’était pas pour ainsi dire une maman… ni câline, ni particulièrement avenante, elle pouvait faire un effort histoire de se mettre au niveau d’autrui mais cette main tendue ne pourrait être que temporaire. Il ne fallait pas oublier qu’elle vivait avant tout pour son art et que celui-ci avait fait fuir tous les hommes s’étant jusqu’ici intéressés à elle. Aussi, face à un énième caprice de Zoé, Dawn avait fini par mettre sa fierté de côté et appeler sa meilleure amie, fidèle soutien des situations de merde et toujours prête à l’en sortir dès qu’elle en avait besoin. Une chance que la réciproque soit vraie, sans quoi Blodwyn aurait depuis longtemps porté plein pour abus cruel d’amitié… « Aaah te voilà ma sauveuse ! » s’exclama Dawn avant de réaliser le souhait de paiement de son amie ; pourquoi vouloir manger des saloperies alors que l’on a à portée de sa main un chef reconnu mondialement ? Bonjour l’hérésie ! « Pour faire plaisir à Zoé j’ai été obligée d’acheter ce genre de cochonneries… si tu veux te faire plaisir, les placards sont pleins ! Sinon, je m’entraîne avec une nouvelle recette de pancakes, c’est sympa aussi ! Zoé est malade. Du coup, elle me rend chèvre ! » Dawn en oubliait presque que Blodwyn était étudiante en médecine et donc sans arrêt sur le pont. Elle l’invita donc à entrer dans son salon sans plus attendre avant de lui offrir l’un de ses rares sourires… impossible d’être désagréable alors qu’elle lui sauvait la mise ! « La miss est dans sa chambre… je te prépare un plateau remontant ? Tu as l’air… d’autoroute ! Ça fait combien de temps que tu n’as pas fermé l’œil ? » Dixit celle qui est insomniaque depuis des années et se lève à quatre heures tous les matins histoire de choisir les meilleurs ingrédients qui soient au port… quand on aime son boulot, on ne pleure pas son emploi du temps !

Dawn fronça légèrement les sourcils face à l’aveu de sa meilleure amie, mais au bout du compte, loin d’elle l’idée de la blâmer : en médecine, comme en cuisine, il vaut mieux être sur tous les fronts à moins de ne vouloir se faire coiffer au poteau. La jeune femme elle-même avait été en mode insomniaque pendant toute la durée de ses études, et cela ne semblait pas terminé pour autant, bien qu’elle soit l’un des chefs les plus en vogue à New York. La preuve, tout en laissant Blodwyn se rendre dans la chambre de Zoé, Dawn prépara une pâte à pancakes en deux temps trois mouvements avant de faire chauffer une poêle à bonne température pour commencer la préparation de ce délicieux met dont raffolent littéralement les américains au petit déjeuner. La jolie chef n’était pas réellement du genre à s’empiffrer de ce genre de choses, surtout au lever du corps, mais soit… que ne ferait-elle pas pour sa meilleure amie ! D’ailleurs, elle sortit tous les ingrédients nécessaires à des pancakes réussis : sirop d’érable, Nutella, beurre de cacahuètes et autres fruits secs qu’elle avait toujours à portée de main et dont elle renouvelait le stock très régulièrement lorsque l’envie de créer un nouveau dessert lui prenait comme une envie de pisser. Blodwyn eut à peine le temps d’ausculter la jeune miss de huit ans à peine qu’une pile impressionnante de pancakes s’accumulait dans une grande assiette, toute prête à être dégustée. Il n’y avait pas à dire, Dawn savait recevoir… et personne ne repartait de chez elle affamé, c’était l’évidence même. « Alors, ton diagnostic doc ? » demanda-t-elle sans pour autant quitter les yeux de sa poêle. Nul ne savait mieux qu’elle à quel point une baisse d’attention, en pleine préparation, peut être dangereuse. La brûlure présente à son poignet droit en était la preuve, du reste. Comme tout bon chef qui se respecte, elle conservait certaines blessures de guerre… « En tout cas, si tu es en mode insomniaque, ton ventre repartira satisfait, c’est moi qui te le dis ! J’ai sorti les premiers trucs me tombant sous la main mais je dois en avoir d’autres dans un coin… au pire, je peux te bricoler une crème fouettée en deux coups de cuillère à pot si tu en veux. »

Dawn émit une légère grimace face à l’entente du diagnostic de Blodwyn : bien qu’elle ne soit pas médecin et n’ait jamais souhaité le devenir, elle s’en doutait un peu. Avoir autant de fièvre et tousser comme elle toussait sans avoir la force de se lever, cela ne pouvait pas être grand-chose d’autre. « Ils vont se débrouiller ce soir au restaurant. Personne n’est irremplaçable, pas même moi ! » La jeune femme ne devenait pas maternelle, pas le moins du monde, elle tenait simplement sa promesse. Dawn était souvent jugée inhumaine, car souvent méconnue, puisque derrière cet apparent masque de froideur se cachait une véritable inquiétude. Celle-là même qu’avait dû ressentir Ellie depuis la naissance de sa fille… à chaque fois que celle-ci se trouvait malade ou avait un bobo. C’était extrêmement grisant et étrange pour quelqu’un comme la chef, qui bidouillait si aisément une crème fouettée pour sa meilleure amie, qu’elle aurait d’ailleurs pu faire les yeux fermés, alors que le moindre petit geste humain ou agréable lui coûtait littéralement. « Ton ventre de Gargantua devra juste attendre quelques secondes, en revanche » énonça-t-elle, fouet à la main, qu’elle brandissait vers Blodwyn d’un air se voulant menaçant alors que ce n’était rien d’autre qu’une éternelle plaisanterie entre les deux acolytes. L’interne avait simplement le visage nettement plus expressif et Dawn un contrôle absolument extraordinaire de ses expressions et sentiments. Un vrai robot, au bout du compte. « Ah, moi… je reçois des cadeaux. J’entends par là des cadeaux de quelqu’un que je ne connais pas, très souvent il y a un paquet devant la porte de mon appartement. De belles lettres avec… courtes mais intenses. Au début, j’ai cru à une erreur et entassé les cadeaux dans un coin, mais comme cela se répétait j’ai fini par croire que c’était pour moi. Ca me trouble. J’en rêve même la nuit et je garde certaines lettres sur moi pour les relire en douce dans la grande chambre froide du restaurant… c’est pathétique. Ca ne me ressemble pas du tout et je déteste lorsque je suis ainsi, sans contrôle sur moi ! Bref, rien de passionnant. Toi, raconte-moi ! Ils ont tous succombé à ton charme à l’hôpital ? »

« Non, aucune idée de qui pourrait bien être fan d’un glaçon tel que moi ! » reprit-elle avec un cynisme on ne peut plus lucide. Il faut dire qu’en la matière, une sacrée dose de courage est obligatoire pour quiconque voudrait ne serait-ce que sortir pour un soir avec la jolie Dawn. Sa préparation de pancakes touchait à sa fin, et pourtant, le dernier présent de ce fameux admirateur secret la turlupinait encore. Un magnifique bracelet fantaisie, orné de petites étoiles dorées et argentées, l’avait tout particulièrement touchée. Il faut dire que Dawn adorait l’océan et n’avait que peu l’occasion de se rendre près de pareille étendue d’eau… ce présent l’y faisait penser, tant et si bien qu’elle l’avait mis aussitôt à son poignet droit, aisément caché par ses grandes manches une fois vêtue comme le véritable chef qu’elle était. « Romantique, c’est le mot ! C’est bien, ça contraste avec moi… hem. Ca dure depuis plusieurs semaines maintenant. J’en viens à avoir hâte de rentrer chez moi, je débloque complètement ! Sérieusement, tu me vois moi, avec quelqu’un ? Pfeuh ! Jamais rien entendu d’aussi stupide. Pourtant, il est touchant, imprévisible, il parvient à toucher des parties de ma personne que je pensais presque mortes. J’en ai même fini par ressentir certains… frémissements. » Chez Dawn, on ne parle pas de sentiments. Il n’est pas question de prononcer un mot aussi fort, pas alors que son palpitant peinait à battre. Il était même asséché à force d’être déserté par l’amour, utilisé uniquement pour pomper du sang et lui permettre d’exécuter les actes les plus primaires de son existence. Et pourtant, tandis qu’elle servait généreusement des pancakes à Blodwyn, sans oublier de lui présenter un saladier entier de crème fouettée maison, elle lui tendit ensuite son poignet, orné de ce petit bijou ne payant pas de mine mais ayant déjà pris une importance certaine à ses yeux. « Ses cadeaux sont divers… petits bijoux, barquette de fraises fraîches, grandes lettres parfumées ; j’ai l’impression que c’est un canular à force, aucun homme n’est aussi parfait. Ca me paraît louche ! » Dawn soupira avant de s’asseoir en face de Blodwyn, n’ayant pas perdu une miette de ce qu’elle venait de lui avouer concernant ce fameux Jayden, dont elle n’avait plus entendu parler depuis un moment déjà… « Jayden, hein ? Je ne vois pas où est le problème, c’est au contraire une bonne nouvelle non ? C’est moins tragique que moi, vu que je ne sais même pas quel est le fou qui vient porter des trucs pareils devant ma porte ! Si ça se trouve, ce n’est même pas moi qu’il veut atteindre… quoi que si, il connait mon prénom et il n’y a pas quinze Dawn dans le quartier. »

Dawn n’avait aucune raison objective pour se plaindre, et d’ailleurs, elle ne le faisait pas en ces termes. Disons simplement que le fait de ne pas connaître l’expéditeur de ces cadeaux la troublait plus encore que les cadeaux en eux-mêmes ! Mais elle cessa brusquement de parler face à l’aveu de Blodwyn, lui arrachant un froncement de sourcils parfaitement caractérisé : si Jayden ne l’aimait pas, elle était prête à lui faire ravaler sa fierté en papier bulle à celui-là, où il voulait quand il voulait ! « Tu sais ma biche, je suis virtuose du rouleau à pâtisserie, s’il faut l’assommer pour qu’il comprenne, tu n’as qu’un mot à dire ! » Pour se remettre, Dawn se prit un pancake dans une assiette et l’arrosa généreusement de sirop d’érable tandis qu’elle ruminait l’aveu de sa meilleure amie plus que de raison. C’était impossible à ses yeux de ne pas adorer l’interne. Bien que Jayden soit le meilleur pote de Blodwyn n’était pas une excuse pour faire preuve d’autant de froideur et de désintérêt. Dawn n’était pas romantique pour trois sous, savait très bien être glaçon plus souvent qu’à son tour mais il y avait tout de même des limites. « Je suis tentée de dire que c’est un mec… je ne vais pas aller jusqu’à ajouter qu’il sera forcément décevant mais si ça met son orgueil en danger tu peux être sûr qu’il va soigneusement mettre de côté tous les frémissements qu’il pourrait ressentir à ton égard. J’avoue, ça donne des envies de mettre ses sentiments sur pause, je ne peux qu’être d’accord ! Mais les hommes sont imprévisibles en fait. Cela dit… franchement, si je connaissais l’identité de mon mystérieux soupirant, je pense que j’irais le trouver en premier ! Peut-être qu’il a un jumeau… » Dawn émit un léger rire face à ses propres conneries, qu’elle fit taire par plusieurs bouchées de ses pancakes toujours aussi réussies. A sa décharge, plus elle cherchait qui cela pouvait être, moins elle trouvait. La sensibilité se dégageant de tels cadeaux et de telles lettres était presque inhumaine… « Je ne vois pas du tout qui c’est. Franchement, le serveur est un manipulateur de première, je doute qu’il soit capable d’écrire de telles lettres m’ayant déjà fait pleurer ! » Au moins, c’était avoué…

« Tu as pensé à user de ton stéthoscope magique avec lui ? » Bon d’accord, Dawn était très loin d’être experte ès conseil matrimoniaux mais il valait mieux dédramatiser dans ce genre de situations. Cela valait mieux que de pleurer dans les chaumières, n’est-ce pas ? Pour l’instant, la jolie chef n’avait pas encore répondu au reste du discours de Blodwyn, et pour cause, elle s’occupa de se lever d’abord pour lui servir un grand verre de lait frais. Oui parce qu’en plus d’avoir toujours des produits de première catégorie, la miss avait également un énorme bidon de cinq litres de lait fraîchement trait ! On a la classe de grand standing ou pas… « Ah ouais quand même… ce n’est plus de l’amour, c’est de rage. Bois-en une bonne rasade pour te remettre ! » La jeune femme se servit à son tour avant d’éclater de rire. « Ne me regarde pas comme ça, je plaisante ! Tu lui as avoué tes sentiments ? Parce que peut-être que ça pourrait faire bouger les choses… tu sais, les hommes sont très, très lents à la détente. Il faut forcément leur fournir un petit électrochoc. Tu lui ponds un petit discours ou tu l’invites à jouer au docteur dans une salle de garde… ça peut avoir son charme, aussi ! » Dawn n’était vraiment pas croyable. Elle n’était pas fichue de se trouver un copain ou même un homme pour passer une petite soirée sympathique et la voilà qui donnait des conseils à sa meilleure amie au sujet d’une histoire d’amour… mais elle ne voulait pas voir Blodwyn malheureuse ou torturée, voilà la vérité. Son cas personnel ne comptait pas pour le coup. « Il doit forcément être timide… mais je fais si peur que ça ? Le pire, c’est que je me suis mise à l’imaginer. J’en rêve la nuit et au travers de ses mots, il a éveillé quelque chose de merveilleux en moi… il a mis une lumière sur mon existence, une lueur que je pensais éteinte à jamais. C’est presque douloureux de ne pas savoir qui il est alors qu’il semble penser à moi de façon si vive… je me sens égoïste d’avoir gagné ses mots et de ne pas pouvoir les lui rendre. C’est… douloureux. Je crois que je suis en train de devenir folle. »

Dawn leva aussitôt les mains en signe de protection, comme si elle s’attendait à ce que Blodwyn pète littéralement une durite pour mieux se venger sur elle. Chose qu’elle ne ferait jamais, bien sûr, mais la jeune femme se permettait de dédramatiser une situation qui se trouvait bloquée, à défaut d’avoir de réelles solutions et autres conseils à donner à sa meilleure amie. Parfois, les pancakes et le lait frais ne suffisent pas… « Ce n’est pas dit que tu serais humiliée… mais bon je te l’accorde, plus facile à dire qu’à faire. Moi-même j’aurais horreur de devoir faire ça. Mais il faut dire que j’ai la sentimentalité d’une huître atteinte de strabisme ! » Dawn n’avait jamais prononcé les trois mots fatidiques à haute voix. Ce n’est pas demain la veille qu’elle allait prendre ce risque, bien qu’elle se rende compte de ses sentiments naissants pour ce parfait inconnu capable de l’émouvoir d’un seul mot. Mais qui pouvait-il bien être ? Cette question n’avait de cesse de hanter littéralement ses nuits, alors qu’elle se surprenait à ouvrir les bras tout en espérant que ceux-ci se refermeront sur cet homme semblable à un rêve… tout ceci était trop beau pour être vrai. Pourquoi diable redoutait-il temps de l’affronter ? Fallait-il que sa timidité soit maladive ou incontrôlable car jamais Dawn ne s’amuserait à se moquer de ce genre de choses. Elle savait bien trop ce que cela faisait pour oser faire une chose pareille ! « Non, non, garde ta batte pour Jayden si jamais il dépasse les bornes… ne me fusille pas du regard je plaisante, Blod, tu me connais tout de même ! Ahem. On ne peut pas vraiment dire que ce soit mon entourage proche, mais récemment j’ai embauché un chocolatier extrêmement doué. Un virtuose, même ! Il est très timide, il a du mal à soutenir mon regard plus de deux secondes. Je ne sais pas pourquoi… pourtant, j’ai tenté d’être moins dure avec lui en sachant ça ! Si je n’étais pas sa patronne… peut-être que j’irais jusqu’à te dire qu’il a un regard à se damner littéralement et un sourire qui… me fais fondre comme un chocolat fourré au caramel au beurre salé ! »

Dawn esquissa un petit sourire malicieux face à l’enthousiasme de Blodwyn avant d’acquiescer d’un signe de tête. Effectivement, il possédait un charme indéniable, même si ce n’était pas du tout le type de la jolie chef. « Tu m’excuses une petite seconde ? » La jeune femme s’était levée en moins de deux, et, tout en laissant la possibilité à sa meilleure amie de finir son assiette de pancakes, elle partit toquer chez son voisin pour savoir si cela ne le dérangeait pas de venir régulièrement surveiller comment allait Zoé. Elle revint à peine cinq minutes plus tard, tendant à Blodwyn son manteau et ses chaussures pour qu’elle ne l’accompagne. « Mieux qu’une photo… je vais te le montrer. » En l’espace de quelques minutes, les deux acolytes étaient dans la voiture de la demoiselle sentimentale ne se l’avouant pas, ne sachant même pas pourquoi le voir était devenu comme une priorité. Elle n’hésita pas à faire la route jusqu’au Queens, se garant juste en face du Wonka’s Chocolate, où Elijah servait actuellement avec tout le charme et la timidité le caractérisant. Dawn le pointa directement avant d’éteindre ses phares et de fermer purement et simplement le contact. « C’est lui, là bas. Tu vois maintenant ce que je voulais dire ? Si seulement c’était lui… mais je ne me vois pas du tout aller lui demander s’il c’est bien lui qui m’envoie des lettres à se damner et m’offre des cadeaux toujours plus beaux que les précédents ! Je ne sais pas, il y a quelque chose de troublant chez lui. Dès que je croise son regard, je ne peux pas m’empêcher d’être froide avec lui pour qu’il ne se rende surtout pas compte de mon trouble. C’est… plutôt pathétique, tu ne trouves pas ? Je crois que tout compte fait, je suis bien pire que tu ne le seras jamais ma belle ! Et je t’ai dis à quel point ses chocolats sont à se damner ? Autant que lorsqu’il parle de sa voix grave et suave… »

« NON BLOD REVIENS !! » Dawn s’était époumonée en vain, car il était impossible de retenir une Blodwyn déjà lancée. La jeune femme se tassa donc dans la voiture pour que son beau chocolatier ne la remarque surtout pas, mais elle ne pouvait guère s’empêcher de jeter de petites œillades tandis que son cœur battait la chamade. Qu’étaient-ils en train de se dire ? Pourquoi sa meilleure amie était-elle partie comme une fusée sans qu’elle ne puisse la retenir ? Dawn n’allait jamais pouvoir se regarder dans la glace après tout ça ! La jolie chef fut donc penchée à ses lèvres, prête à boire les paroles de sa folle amie lorsque celle-ci revint enfin dans le véhicule, lui permettant d’un même coup de se redresser. Mais autant dire qu’elle n’en croyait pas ses oreilles… « Mais qu’est-ce qui t’a pris !! Tu es devenue folle ?! Il aurait pu me voir !! » Dawn ne savait pas si elle était davantage paniquée ou bien frustrée de ne pas avoir le culot de pénétrer réellement à l’intérieur du magasin d’Elijah par ses propres moyens. Mais d’un autre côté, à voir le ballotin placé sur ses cuisses, qu’elle prit bientôt en main, son cœur manqua plusieurs battements. Et si c’était réellement lui et que son instinct et ses espoirs n’étaient pas vains ? « Tu penses vraiment que c’est lui ? Mais comment se fait-il qu’il t’ait donné deux ballotins gratuitement à la simple évocation de mon nom ?! Je suis limite aimable avec lui depuis que je l’ai embauché, je te promets ! » Dawn déglutit avec difficulté sans même oser ouvrir le ballotin. Cet espoir nouveau était également d’une douleur insupportable. Derrière sa vitrine, il restait toujours inaccessible, hélas… « Que t’a-t-il dit exactement ? Tu dois tout me dire, tu n’as pas le choix Blod ! »

Chose extrêmement rare, Dawn se mit à rougir légèrement face aux propos de sa meilleure amie, peinant à imaginer Elijah « raide dingue » de sa personne. Il était… tellement parfait ! Jamais il ne pourrait tomber amoureux d’une véritable pierre comme elle, c’était impossible. A moins qu’il soit masochiste et qu’elle ait clairement de nombreuses choses à apprendre sur lui, détail encore envisageable. « Avant de pouvoir lui arracher ses vêtements comme tu dis si bien, encore faudrait-il que l’un de nous deux fasse le premier pas… c’est pas gagné, fais-moi confiance ! » Si Blodwyn était à la fois exubérante et extravertie, Dawn était l’exact inverse. Elle détestait par-dessus tout que l’on puisse lire en elle, ou même connaître ses sentiments les plus infimes. La brunette avait toujours été une privilégiée dans le genre. En présence d’Elijah, puisqu’elle restait sa patronne désormais, Dawn se voyait mal éviter de mettre cette soigneuse distance qu’elle avait la fâcheuse manie de planter entre elle et les autres. « J’ai mis une Muraille de Chine entre nous. Je suis stupide, hein ? Inutile de répondre, j’en ai conscience. Je t’avais raconté que ma première expérience sexuelle avait tourné au drame ? Depuis, je ne sais pas… je me dis qu’il vaut mieux ne rien ressentir, que c’est plus confortable. Mais un seul regard de ce chocolatier et je fonds littéralement. C’est presque insupportable de bosser dans la même cuisine sans le toucher ! Et le pire, c’est qu’il fait souvent des heures supp’ pour m’aider à tout ranger… la dernière fois, on s’est retrouvés de concert dans la grande chambre froide et je me suis retenue de justesse de lui sauter au cou. Je lui ferais peur… je suis trop imprévisible et glaçon. Je ne suis pas celle qu’il lui faut, ça ne fait pas un pli… non mais regarde-le ! Il est trop parfait pour moi ! »

« Que je me dévoile… » répéta machinalement Dawn. Voilà qui ne risquait pas d’être facile. Jusqu’ici, elle n’avait jamais su se dévoiler à qui que ce soit. Ils allaient faire une belle paire d’handicapés, tous les deux, si son beau chocolatier était mortifié à l’idée même de faire un pas vers elle, et qu’elle ne trouvait pas la force de venir le confronter. Cela dit, elle devait bien admettre que les paroles de Blodwyn étaient en train de faire leur chemin dans son cerveau, puisqu’elle réfléchissait déjà à une façon de l’aborder spécifique. Elle continua à y penser même si la proposition de serment de sa meilleure amie lui arracha un rire franc. Décidément, si elle n’existait pas, il faudrait vraiment l’inventer ! « Le serment de la séduction ? L’appellation me plaît ! Je vais réfléchir mûrement à une façon de venir le trouver, et le mieux serait qu’il soit seul, ce qui exclue le Bleeker’s… il y a toujours ma patronne qui tienne dans les parages et puisqu’elle pense que je ne suis qu’une handicapée du sentiment psychopathe sur les bords, je vais éviter son œil scruteur ! Mais il doit y avoir forcément un moment rêvé ou cela va couler de source… » Le regard de Dawn se perdait encore en direction de la boutique, toujours allumée même à cette heure tardive. Elijah ne dormait donc jamais ?! Mais le serment la rappela bientôt à l’ordre et la jeune femme serra la main de sa meilleure amie pour lui faire comprendre qu’elle préfèrerait brûler en enfer plutôt que de manquer cette promesse. D’ici une semaine, elle devrait avoir fait ce fameux premier pas. Voilà qui n’allait pas être aisé, mais cela valait le coup d’essayer ! « Marché conclu ma belle ! Une semaine, pas une heure de plus ! Mais en attendant, on va aller continuer de se sustenter chez moi… je sens que ça va creuser cette histoire. » Et elle ne croyait pas si bien dire. Non seulement elle s’apprêtait à tenir sa promesse dans les temps, mais Dawn n’imaginait pas une seule seconde la suite des évènements… à savoir sa déclaration à Elijah, leur dispute et pour finir la demande en mariage du beau chocolatier de ses rêves. Elle brûlerait tous les records… pour son plus grand bonheur.