Cette nuit de travail n’avait en rien été différente des autres qu’elle avait connu depuis qu’elle travaillait ici. Amelia était arrivé à l’heure, avait fait son show et était parti se réfugier dans un coin du vestiaire, loin des autres filles à qui elle ne parlait pas. Pourquoi le ferait-elle après tout ? Ce travail n’était que temporaire, du moins la brune l’espérait et elle ne se sentait pas le courage de se lier d’amitié avec l’une d’entre elles, la jeune femme était beaucoup trop timide devant ces femmes qui pouvaient montrer leur corps sans éprouver aucune pudeur contrairement à elle qui le faisait vraiment par soucis d’argent.
La fin approchait et elle commença à ranger ses affaires, prenant son temps comme à son habitude, pourquoi se dépêcher après tout ? Personne ne l’attendait, ni ami, ni famille ou une quelconque autre personne qui pouvait compter pour elle, et en pensant à cela, Amelia n’avait finalement qu’une hâte, aller dormir.

La jeune femme s’emmitoufla dans son manteau, se préparant psychologiquement à affronter le froid qui régnait dans les rues de New York, par chance, elle n’habitait pas si loin que ça du club et survivrait une fois de plus aux nuits glaciales. Suivant de quelques mètres ces « collègues » vers la sortie, elle fût stoppée dans son élan, quand elle entendit la voix de sa patronne retentir dans son dos « Amelia ? Reste un instant. ». Tout en se demandant ce qu’elle avait bien pu faire, Amelia tourna la tête avant de finalement faire quelques pas en arrière pour s’approcher de son interlocutrice. Elle se mordilla la lèvre, imaginant toutes sortes de scénario, dont celui où Max allait lui annoncer qu’elle était virée car elle était trop molle sur scène, après tout, pourquoi pas ? Amelia savait qu’elle n’était la fille la plus sexy, que sa façon de bouger était parfois un peu maladroite et que pour le côté « sexy » ce n’était pas tellement ça. Perplexe, elle suivit des yeux l’enveloppe que Max fit glisser jusqu’à elle. « J'ai besoin de toi demain soir, je sais que t'es pas censée bosser mais... » Prenant l’enveloppe dans ses mains sans pour autant l’ouvrir, Amelia réfléchissait à grande vitesse. Elle ne pouvait pas dire non, elle avait besoin d’argent et travailler un soir de plus ne pouvait par de mal à son compte en banque, d’un autre côté, la jeune femme avait réussi à caser ses jours de travail en fonction de son emploi du temps. Travailler demain soir impliquait de ne quasiment pas dormir si elle ne voulait pas manquer son premier cours de la matinée. Tout en continuant à peser le pour et le contre, elle jeta un coup d’œil dans l’enveloppe et lâcha un hoquet de surprise en découvrant la somme qui s’y trouvait, avec tout ça, elle pourrait se soucier d’autre chose que de son loyer pendant quelques mois. « Ce sera ton salaire, si tu viens. » Son salaire ? Pour une nuit ? Au diable le sommeil, d’ordinaire elle n’était pas si avide, son besoin d’argent la tracassait certes, mais pas au point de se jeter dans n’importe quel plan pour obtenir quelques billets verts, mais ce soir, elle faisait exception à la règle. Amelia releva la tête vers Max, affichant un petit sourire timide sur son visage « Oui bien sûr, je viendrais. » Et puis, ça ne lui coutait pas grand-chose, il fallait juste qu’elle fasse la même chose que d’habitude.

Tout en rangeant soigneusement l’enveloppe dans son sac, Max reprit la parole pour lui demander autre chose. « Et est-ce que tu as plus de temps libre ? » Du temps libre ? C’était surement l’une des choses principales qu’elle n’avait pas, entre ses cours et ses révisions, Amelia avait déjà fait une croix sur sa vie sociale et en plus de son travail, elle avait définitivement oublié la phrase ‘J’ai un peu de temps devant moi.’ Ne donnant pas sa réponse tout de suite, cela laissa le temps à Max d’argumenter sa question « Plus tu monteras sur scène, plus tu t'amélioreras. Plus tu t'amélioreras, plus tu feras consommer. Ce serait bien que tu puisses te produire autant que possible, et tu pourrais t'entraîner avec les autres avant ou après. » La brune n’essaya pas de le montrer, mais elle eut un léger choc en entendant ce que sa patronne venait de dire, ‘plus tu feras consommer ‘. Elle n’était donc que ça, une marionnette se déhanchant sur scène pour faire consommer plus le client, Amelia réussit néanmoins à mettre de côté cette dure réalité des choses pour réfléchir à grande vitesse à ce qu’elle allait pouvoir répondre, laissant alors un court silence s’installer entre les deux femmes. Travailler plus voulait certes dire plus d’argent, mais cela lui laisserait moins de temps pour ses révisions ou pour dormir ce qui en pâtirait sur ses études, et si elle échouait, elle n’aurait plus qu’à abandonner son rêve pour finir à temps plein comme strip teaseuse. Elle ne jugeait pas celles qui le faisait, juste, ce n’était pas ce qu’elle voulait faire de sa vie.

Amelia fuyait le regard de Max, prenant une légère inspiration, qui sait ce qu’il pouvait se passer si elle refusait de travailler plus. « Je suis désolée, je ne vais pas pouvoir. Le peu de temps libre qu’il me reste je le garde pour mes révisions. J’adorerais pouvoir m’améliorer en étant plus souvent là, mais c’est un rythme que je n’arriverais pas à suivre. » Elle avait mentit sans scrupule sur le début de la dernière partie. La jeune femme n’en avait rien à faire de s’améliorer ou pas, tout ce qu’elle voulait c’était ne pas être à court d’argent pour vivre, et puis, c’était déjà une torture pour elle de montrer son corps à des étrangers quelques soirs dans la semaine, alors le faire plus souvent, autant l’achever tout de suite.

En refusant l’offre de Max, Amelia savait qu’elle passait à côté d’une somme d’argent qui n’était pas négligeable, l’enveloppe qu’elle venait de mettre dans son sac n’était rien comparé à ce qu’elle pourrait avoir en travaillant quelques nuits de plus par semaine. Elle pourrait mettre de côté ses problèmes : rembourser intégralement son prêt étudiant, s’installer dans un appartement correct et ne plus s’inquiéter de ce qui lui restait sur son compte quand le milieu du mois approchait. Mais tout cela avait un prix qu’elle se refusait à payer, celui de mettre en danger ses révisions et son assiduité en cours. La brune avait alors gentiment décliné l’offre que Max venait de lui faire.

Après un court silence, Amelia pensa que la question serait régler, quelle naïveté de sa part. Max reprit la parole « Surtout que, tu sais, chaque heure supplémentaire compte... » Elle releva la tête vers sa patronne qui de capter son attention, elle était déjà au courant de ça, mais elle ne pouvait s’empêcher de se montrer intéressée. « Je sais pas, on pourrait... ajouter un petit extra à chaque heure supplémentaire ? Personnellement, je suis pas à ça près. » Et Max venait de toucher une fois de plus en plein dans le mille, c’était tout ce qu’il fallait pour déstabiliser la jeune femme.
Amelia baissa une nouvelle fois la tête, préférant regarder le sol pour réfléchir à la situation. Qui sait ce qu’il se passerait si elle refusait une fois de plus ? Perdre son travail parce qu’elle ne s’investissait pas assez ? Peut-être. Elle pensa à l’Université, elle avait bien des cours inutiles qu’elle pouvait se permettre de sécher de temps en temps comme le jeudi matin, personne ne lui dirait rien car elle ne serait pas la première à s’absenter, pour ses révisions, elle pouvait s’en occuper l’après-midi quand avait quelques heures à rien faire. Mais d’un autre côté, elle pouvait aussi trouver un job autre part, loin de ce milieu, quelque chose de plus tranquille où elle n’aurait pas à sacrifier son emploi du temps pour de l’argent, mais fallait-il déjà pouvoir trouver un autre job, combien de temps lui faudrait-il pour en trouver un avant que ses quelques dollars restant s’épuisent ?

Quelques minutes venaient de s’écouler où elle resta dans la même position, la tête baissée, proche du mal de crâne à force de réfléchir autant. Elle ne savait pas quoi choisir. Finalement, elle leva de nouveau les yeux vers Max. « C’est d’accord. » Après tout, compromettre son avenir le temps de quelques mois ne pouvait pas être une mauvaise chose, une fois qu’elle se serait améliorée, elle pourrait revenir à un emploi du temps normal et surtout moins fatiguant et elle aurait assez d’argent de côté pour rembourser son prêt, à ce moment-là, sa vie serait meilleure. Amelia adressa un petit sourire à son interlocutrice, elle savait pertinemment qu’elle venait de vendre son âme au diable, mais qu’importe, elle se réconfortait avec la seule pensée que tout allait s’arranger.