MARLEY & TIZIANA

❝ the rocky horror show ❞

Trente-et-un octobre, Halloween. La nuit s’était abattue sur New York depuis plusieurs heures déjà et bon nombre de personnes paradaient de maisons en maisons dans leur plus ‘beau’ costume. Originaire d’Italie où Halloween n’est fêtée que depuis quelques années, Tiziana était encore étrangère à la coutume et y voyait plus un intérêt commercial que ‘festif’. L’eurasienne comptait passer la soirée seule devant la diffusion de l’Etrange Noël de Mr Jack, mais Eléa en avait décidé autrement et elle avait sommé Zachaël de la contacter pour qu’elle se joigne à eux. Et comme il lui était impossible de refuser quoi que ce soit à sa filleule, Tiziana flânait dans les rues de Manhattan en les suivant de près pour ne pas les perdre de vue. « Les dentistes vont faire fortune le mois prochain… » lança-t-elle. Son meilleur ami ne put retenir un sourire amusé par sa remarque, mais il n’eut pas l’occasion de lui répondre : sa fille s’élançait déjà vers une autre maison. Tiziana prit un moment pour les observer tous les deux et se surprit à envier la complicité qu’il pouvait y avoir entre un parent et sa progéniture. Elle poussa un soupir. Vingt-six ans et toujours célibataire pendant que d’autres étaient mariés et avaient fondé une famille (pas nécessairement dans cet ordre). Seulement, Tiziana était d’un naturel très méfiant envers les hommes et les seuls qui avaient su l’approcher jusqu’à présent étaient soit des membres de sa famille ou des amis qu’elle se refusait de voir autrement comme Zach, par exemple.

Une légère brise se leva et Tiziana frissonna. Elle resserra aussitôt les pans de son manteau et jeta un coup d’œil aux alentours, c’est alors que son regard se posa sur une jeune femme blonde qu’elle reconnut aussitôt comme étant Marley-Rose et ses sourcils se froncèrent. Elle ne l’aimait pas. Marley-Rose avait été une amante de Charles et restait encore l’une de ses amies, cependant Tiziana ne l’avait jamais porté dans son cœur, chose qui – visiblement – était réciproque. L’eurasienne avait beau la détester, elle se décida à ramasser ce que Marley venait de faire tomber par inadvertance en s’enfonçant dans Central Park, sûrement pour aller plus vite. « Zach ! Je reviens ! » lança-t-elle à son amie avant de traverser la route pour ramasser le vêtement qui lui avait échappé. Le parc était plongé dans le noir et Tiziana hésita un moment avant d’y pénétrer, elle ne se sentait pas très à l’aise. La jeune femme pressa le pas, bien décidée à rejoindre Marley-Rose avant qu’elle ne gagne l’autre sortie de Central Park. « Marley-Rose, t’as laissé tomber ça… » dit-elle, une fois postée derrière elle.

Marley-Rose n’était pas encore retournée que Tiziana regrettait déjà son geste de bonté : cette jeune femme l’horripilait depuis leur toute première rencontre. Elle prenait les gens de haut, se vantait d’être une bourgeoise et d’être habillée par les plus grands couturiers. L’eurasienne se demandait même combien valait le foulard qu’elle tenait entre les mains et s’il était bien sage de le lui rendre : elle aurait très bien pu le revendre et donner l’argent à une association qui en aurait beaucoup plus besoin que Marley-Rose. Tandis qu’elle se retournait, Tiziana remarqua le ‘costume’ ou plutôt la robe d’Halloween que portait la blonde et ne put s’empêcher de la trouver jolie : elle pouvait bien lui reconnaître au moins ça ! Si Marley-Rose daignait sourire, elle serait encore plus belle. Cependant, Tiziana eut droit à une légère grimace et à un simple « Oh merci. » qui la fit légèrement rouler des yeux. Elle s’apprêtait à lui dire quelque chose lorsque le cri d’une jeune femme rompit le silence ambiant. Marley-Rose fut la première à s’élancer pour voir ce qu’il se passait quelques mètres plus loin, ce que Tiziana jugeait ne pas être une très bonne idée. « Marley, reviens ! » lança-t-elle, soudainement soucieuse de la sécurité d’une jeune femme qu’elle ne pouvait pas encadrer en temps normal. Cette dernière ne s’arrêtant pas, l’eurasienne se décida à la suivre, mais les traits de son visage montrait clairement qu’elle n’était pas très rassurée. Finalement, toutes deux se retrouvèrent face à une maccabre découverte : le corps d’une femme que l’on avait raccourcit d’une tête. Tout comme Marley-Rose, Tiziana en eut aussitôt le cœur au bord des lèvres et dû faire un effort surhumain pour ne pas se mettre à crier à son tour. Sans réfléchir plus longtemps, elle agrippa le bras de Marley-Rose. « Il ne faut pas qu’on reste ici, l’assassin doit encore être dans les parages… » parvint-elle à articuler, la voix déformée par un sanglot horrifié. Son cœur cognait dans sa poitrine, donnant presque l’impression qu’il allait bientôt se déloger de la cavité qui le maintenait en place. Tous les sens de Tiziana était en alerte, cependant le sang qui battait dans ses tempes réduisaient considérablement son ouïe.

Honnêtement, Tiziana se demandait comment elle parvenait à réfléchir convenablement face à une telle vision d’horreur. En cette soirée d’Halloween, elle ne se serait jamais attendue à voir le corps d’une femme décapitée. Parfois, les situations les plus critiques font ressortir l’égoïsme chez certaines personnes et c’était justement le cas chez Tiziana qui en regrettait presque d’avoir suivi Marley-Rose ; non pas parce qu’elle l’avait à peine remercié, mais parce que jamais elle n’aurait assisté à un tel spectacle… Oui, c’était égoïste. Pourtant, à voir la réaction de Marley-Rose qui semblait comme tétanisée par l’horreur, Tiziana se disait qu’elle avait bien fait de venir pour lui éviter de finir sur la liste du mystérieux assassin. Chamboulée, l’italienne avait les yeux remplis de larmes – à contrario de Marley-Rose – sûrement était-ce l’état de choc. Elle fit donc pression sur son bras pour la ramener à la réalité et parvint à la faire sortir de sa léthargie pour lui faire entendre raison. « Ou.. Oui » balbutia faiblement Marley-Rose, tentant de reprendre contact avec la réalité. Tiziana acquiesça d’un signe de la tête, mais fut interrompue par un mouvement dans les branchages alors qu’il n’y avait aucun souffle de vent. Son cœur loupa d’abord un mouvement avant de se mettre à battre la chamade. Cette fois-ci, ce fut Marley-Rose qui l’aida à sortir de sa torpeur. « Cours !!! » lui ordonna-t-elle en saisissant sa main pour l’entraîner à sa suite. Plus facile à dire qu’à faire ! Tiziana avait passé 4 années de sa vie en fauteuil roulant et avait mis autant de temps à retrouver ses pleines capacités, mais elle n’avait jamais osé courir de nouveau par peur de tomber et de se faire mal… Oui, elle vivait dans la peur. Peur. Peur. C’était le maître mot de cette soirée, n’est-ce pas ? Marley-Rose dû la traîner un moment avant que Tiziana ne se décide à faire de nouveau fonctionner ses jambes, sentant que le meurtrier se rapprochait d’elle. « Désolée, je te ralentis. » parvint-elle à dire entre deux respirations bruyantes. « J’habite de l’autre côté du parc, on peut aller s’y abriter ! ». Elle se rendait compte que parfois, les situations les plus critiques font également ressortir le meilleur côté des gens comme l’entraide et l’hospitalité. Marley-Rose ne l’avait pas laissé tomber et Tiziana en était profondément touchée. Elle acquiesça d’un signe de tête entendu et accéléra la cadence pour rejoindre la sortir du parc par laquelle elles étaient entrées. Une chose était sûre : plus jamais l’italienne ne traverserait un parc vide à une heure pareille !

C’était comme dans un cauchemar : plus elle approchait de l’entrée et plus celle-ci semblait s’éloigner. Le meurtrier était tellement proche qu’elles pouvaient presque sentir son souffle dans leur dos. Main dans la main, les deux jeunes femmes courraient ensemble et bientôt, elles gagnèrent enfin le trottoir de Central Manhattan. Tiziana se risqua un coup d’œil en arrière et put le voir vêtu de son costume de Faucheuse. « Il est toujours derrière nous. » observa-t-elle. L’italienne s’empara de son portable, composa le 911 pour les informer du meurtre tout en suivant Marley-Rose. L’eurasienne était tellement prise dans l’instant qu’elle en oubliait totalement Zachaël et Eléa. En rangeant le cellulaire dans son sac, Tiziana en profita pour sortir du spray au poivre et lorsqu'elle sentit l'individu en approche, elle fit volte-face et lui en vaporisa droit dans les yeux. Il poussa un cri de douleur et abattu sa faux sur l'épaule de l'italienne en la blessant au passage. Seulement, prise dans le moment et avec l'adrénaline circulant dans son corps, elle fit abstraction de la douleur. « Viiiite. » cria-t-elle à l'attention de Marley-Rose, la suivant de près.