« Ça ne s’est pas bien passé ? ». Silencieux, Elias étira son cou qui émit quelques craquements. Il avait mal partout et surtout il était de très mauvaise humeur depuis son retour au bureau. Rester assis aussi longtemps pendant un procès était quelque chose qui avait vite tendance à l’énerver si bien que dès qu’il se devait de prendre la parole il ressentait comme une pointe de libération même si ce qu’il avait dire n’était pas forcément quelque chose de très joyeux. Aujourd’hui, l’avocat du parti adversaire semblait avoir une grande envie de parler à tel point qu’à un certain moment le jeune homme en avait même été à se demander si le jury comprenait ce qu’il était en train de dire ou s’il n’était pas tout simplement en train de s’endormir les yeux grand ouverts. Lui-même – bien qu’avocat et habitué au jargon du métier – avait par moment perdu le fil et avait manqué de piquer du nez sur sa table. En réalité, les paroles de son confrère avaient été données de sorte à embrouiller tout le monde et surtout à tenter de noyer le poisson ce qu’Elias avait compris que trop tard. Sa cliente était passée pour la vilaine sorcière de l’histoire tandis que le mari de cette dernière était devenu la victime, les rôles avaient été totalement inversés et pour la première fois le jeune Van Santen n’avait rien vu venir si bien qu’en sortant du tribunal il avait cette étrange sensation qu’il avait perdu son procès. Pourtant, rien n’était encore joué, il restait encore une journée avant la délibération du jury et il espérait sincèrement que malgré l’habileté de son confrère à tourner ses propos de sorte à embrouiller tout le monde les gens qui le composait n’allaient pas se laisser duper et allaient faire en sorte qu’il y ait un tant soit peu de justice. Sa cliente était une femme battue qui réclamait la garde de ses trois enfants, une garde totale sans que le père puisse les approcher, mais ce dernier était tellement doué pour le mensonge que son avocat avait su en user à bon escient pendant le procès ce qui avait le don d’énerver Elias.

Alors, évidemment, lorsqu’il remit les pieds au bureau et dû affronter ses collègues qu’il ne supportait pas, le jeune homme était d’une humeur exécrable. Il s’était douté une fois dans l’ascenseur qu’une personne allait forcément lui tomber dessus pour savoir comment s’était passé le procès. Au fond il pouvait comprendre l’intérêt que certains collègues pouvaient porter aux affaires des autres, ils travaillaient ensemble après tout, mais le jeune homme les aimait tellement peu qu’avec le temps il avait fini par ne même plus tenter de faire le moindre effort pour être poli. Restant donc silencieux – ce qui en disait long sur ce qu’il pensait du procès – Elias rejoignit son bureau et ferma la porte derrière lui de sorte à faire comprendre qu’il était loin d’être d’humeur à parler à qui que ce soit. Sa serviette posée sur son bureau, le jeune homme se laissa tomber sur son fauteuil, dos à la vue plongeante qu’il avait sur Manhattan. Il devait se mettre au travail, tant pis s’il rentrait chez lui plus tard, le jeune avocat devait faire en sorte de rattraper le coup, de donner une chance à sa cliente de gagner ce procès. Elias inspira longuement afin de faire entrer une grande quantité d’air dans ses poumons, il expira doucement et massa ses tempes douloureuses et se mit au travail. Comme bien souvent, le temps il ne le vit pas défiler, tout du moins pas avant de se rendre compte que la lumière du jour commençait à décliner de plus en plus au point qu’il fut forcé d’allumer sa petite lampe de bureau sans prendre le temps de lever la tête de son bloc-notes noirci par son écriture et des livres de Droit éparpillés sur son bureau. Ses yeux commençaient à piquer, ses paupières étaient lourdes et une légère migraine commençait à faire son apparition, toutefois, n’étant pas le type de personne à baisser les bras, il continua de travailler quelques heures de plus avant de finalement rendre les armes conscient que de toute manière il ne pourrait plus donner de sa personne pour ce soir. L’avocat pris tout de même le temps de ranger son bureau et mit son bloc-notes dans sa serviette et emporta le tout avec lui. Un tant soit peu calmé par rapport à son retour, Elias prit le temps de discuter avec quelques collègues devant l’ascenseur et salua ceux qui restaient un peu plus tard bien qu’il fut soulagé d’être enfin seul au volant de sa voiture.

Cette journée avait été éprouvante, d’autant plus pour une personne qui n’aimait guère l’échec. Il était hors de question qu’il perde le procès. Ça lui était déjà arrivé par le passé, après tout il était loin d’être parfait et d’être le meilleur, néanmoins ce n’était pas pour cette raison qu’il devait ne pas être énervé contre lui-même lorsque ça arrivait ou lorsqu’il sentait que ça allait se produire. Le trajet jusqu’à l’appartement où il vivait avec Aladiah lui permis de ruminer en toute tranquillité afin d’être tout de même plus agréable chez lui ce qui n’était pas bien difficile. Il était rare qu’il soit énervé contre Aladiah, il n’avait jamais bien compris pourquoi, c’était ainsi voilà tout et ce n’était peut-être pas plus mal. Le simple fait d’enfoncer la clé dans la serrure de l’appartement lui permis de sentir sa colère et sa frustration s’envoler d’un coup, comme si ce logement le débarrassait de tout le poids qu’il pouvait avoir sur les épaules. Sourire aux lèvres, Elias entra dans l’appartement, prêt à se rendre dans sa chambre pour se laisser lourdement tomber sur son lit, mais il fut coupé dans son élan par la vision d’Aladiah et également par la table qui était dressée derrière elle. Sourcils blonds se fronçant légèrement, petit sourire aux lèvres, Elias s’avança doucement vers elle en posant sa serviette contre le mur pour s’en débarrasser. « Tu as passé une bonne journée ? ». Sa légère grimace fut sa réponse, seulement Elias ne voulait plus y penser à présent. Il aimait parler du travail avec elle, mais ce soir il avait surtout envie de se vider la tête, de penser à autre chose … de penser à eux. Son regard quitta enfin la table pour se poser une bonne fois pour toute sur la jeune femme qu’il regardait avec un large sourire à présent.

Il était quelque peu amusé de la voir si nerveuse, il la connaissait par cœur si bien qu’il savait à quel point Aladiah était en train de prendre sur elle pour ne pas céder à la panique. « J'ai demandé à Louisa de nous faire à souper, j'aimerais te parler ... Enfin je te laisse le temps de poser tes affaires quand même ! ». A lui de paniquer à présent. Elle voulait lui parler et lui ne savait pas à quoi s’attendre même si la table derrière elle aurait pu être une piste. Sans rien dire, Elias se contenta d’ôter sa veste qu’il alla ranger avant de revenir en passant nerveusement une main de ses cheveux qu’il ébouriffa. « Voilà … arrête de te mordiller la lèvre comme ça tu vas me faire paniquer … ». En réalité il trouvait ça parfaitement adorable de la voir autant angoisse, mais il se garda de l’avouer et se contenta finalement d’un petit sourire. « Au moins je suis sûr que ce dont tu veux me parler ne va pas finir par une intoxication alimentaire … ». Sourire amusé aux lèvres et décidé à aller s’asseoir, le jeune homme attrapa la main d’Aladiah et l’entraîna avec lui vers la table où il lui tira sa chaise et l’aida à s’avancer avant de prendre place face à elle dans un parfait silence, attendant bien sagement qu’elle commence à lui faire part de ce dont elle voulait lui parler.

Il n’y avait que lorsqu’il mettait les pieds dans son appartement qu’il se sentait véritablement heureux. Une fois le seuil de la porte passé, il laissait tous ses problèmes derrière lui et faisait de son mieux pour être de bonne humeur. Il aimait le temps qu’il passait avec Aladiah dans cette petite bulle qui était la leur et il se refusait de venir gâcher ces petits moments qu’il pouvait avoir avec elle et qui lui donnaient le sourire. Peu importait sa fatigue, peu importait son envie grandissante de tuer quelqu’un au cabinet, il n’y avait qu’eux qui comptaient lorsqu’il était là, eux et personne d’autre. Ils parlaient de tout et de rien, comme ils l’avaient toujours fait. Ils se confiaient l’un à l’autre et en venaient parfois à se demander des conseils parce que, très souvent, ensemble ils mettaient leur fierté et leur sale caractère de côté. Il n’y avait qu’avec elle que l’avocat était si doux et affectueux … il l’était avec ses autres proches, toutefois c’était Aladiah qui avait largement le droit à sa gentillesse et à son amour, ce qui n’était bien surprenant avec les sentiments qu’il pouvait éprouver à son égard. Elias avait été très idiot de partir pour Amsterdam et même si la situation s’était calmée et semblait s’améliorer de jour en jour entre eux, le jeune homme se connaissait assez bien pour savoir que c’était une chose qu’il n’était pas prêt de se pardonner et pour laquelle Aladiah continuait de lui en vouloir. Cependant, depuis son retour il s’appliquait à faire les choses bien, à se rattraper et regagner la confiance de la jeune femme pour ne plus jamais la laisser lui échapper. Il voulait être sincère et lui prouver combien il l’aimait. Lui qui avait toujours tâché d’être sincère dans ses relations passées, il l’était d’autant plus avec elle parce qu’il souhaitait qu’elle lui fasse de nouveau pleinement confiance au point de leur laisser une petite chance. Il était vrai que s’imaginer en couple était étrange pour eux. Ils étaient amis depuis des années. Aladiah était sa meilleure amie et au cours d’une longue période il l’avait même considéré comme une sœur au point que ses sentiments lui avaient donné l’impression de tourner à l’inceste alors que c’était loin d’être le cas, seulement à l’heure actuelle le jeune homme ne la voyait plus autrement que comme la personne qu’il aimait, sans doute la seule vraie femme de sa vie.

Oui, aussi niais que cela pouvait être venant de lui, c’était auprès d’elle qu’il voulait passer le reste de sa vie. Il voulait l’épouser et parvenir à la convaincre qu’avoir des enfants n’allait pas être si terrible que ça. Elias voulait devenir un papa poule, donner autant d’amour qu’il le pourrait à ses enfants pour qu’ils n’aient jamais à vivre ce que lui-même avait vécu pendant son enfance et son adolescence. L’avocat voulait vieillir à ses côtés et quant à la mort … ce n’était pas vraiment le sujet auquel il aimait penser et ce parce qu’il était trop jeune pour y réfléchir et qu’avec la santé d’Aladiah c’était quelque chose qu’il ne supportait pas d’aborder alors autant rester focaliser sur les joies de leur vie si elle leur laissait une chance. Ainsi, il n’était pas bien difficile de comprendre les raisons pour lesquelles Elias était si heureux lorsqu’il rentrait chez lui malgré une journée horrible sur laquelle il voulait tirer un trait sans y parvenir. Voir l’état dans lequel se trouvait la salle à manger et que la jeune femme n’était pas en survêtements l’avait d’autant plus fait sourire et oublier les tracas de sa journée. Certes, il sentait une légère inquiétude lui tordre l’estomac, mais ce n’était rien de douloureux et rien de bien alarmant, juste un questionnement bien trop intense qui l’envahissait. « Pas de mauvaises nouvelles, promis. Enfin je ne pense pas ... ». Sûr que ce n’était pas spécialement rassurant, mais étrangement Elias était de moins en moins paniqué quant à savoir ce qu’elle avait à lui annoncer et le sourire qu’il ne parvenait pas à faire disparaitre du coin de ses lèvres en était la preuve. « Qui sait, j'ai peut-être payé Louisa pour t'empoisonner, je t'ai laissé quelques semaines de répit pour te mettre en confiance et maintenant, petite vengeance personnelle ... ». Elias arqua un sourcil et se promis silencieusement de s’assurer qu’aucune nourriture n’était empoisonnée même si une fois dans sa bouche il n’y avait plus grand-chose qu’il puisse faire pour se sauver à moins d’appeler le 911 et encore … il fallait qu’il soit capable de se rendre jusqu’au téléphone. Silencieux, assis face à Aladiah, son regard ne la quitta pas un seul instant. L’avocat aimait sa présence et cette sensation qu’avec elle il était toujours apaisé et que rien ni personne ne pouvait les atteindre. « Ne me coupe pas la parole, d'accord ? Je déteste ça et je risquerais fortement de m'arrêter en chemin si tu le fais ... ».

Elias évita donc de prendre la parole et lui fit la promesse de ne pas l’interrompre dans un simple geste de la tête tandis qu’il croisait les mains sur la table. « Je sais que je t'ai demandé du temps et j'ai l'impression que ça change tout entre nous ... c'est pas un reproche ... Mais je sais que tu t'attends quand même à ce que je me décide tôt ou tard et ça m'angoisse ... et j'ai réalisé que ce n'était pas le temps qui allait m'aider, au contraire c'est pire. Je t'aime. Ça n'a pas changé depuis la dernière fois et ça ne changera pas ... Et même si j'ai toujours aussi peur de tout foirer, j'ai envie qu'on se laisse une chance, si tu n'as pas croisé la femme de ta vie entre temps ... Je n'ai pas du tout confiance en moi mais j'ai confiance en nous, on s'en sort plutôt bien jusqu'ici ... ». La bouche du jeune s’ouvrit et se referma aussitôt. Chaque phrase qu’elle venait de prononcer, chaque mot, résonnaient dans sa tête et sonnaient comme une douce mélodie. Un sourire de béatitude apparu et illumina son visage. Les dernières paroles d’Aladiah étaient celles qu’Elias avait le plus retenu, celles qu’il ne cessait de se répéter encore et encore tandis que son regard empli de bonheur était toujours poser sur la jeune femme. Il se laissa un temps pour se ressaisir et se redressa sur sa chaise pour croiser les bras contre son torse et paraitre aussi sérieux que possible. « La femme de ma vie je l’ai rencontré y a des années et crois-moi, les autres ne lui arriveront jamais à la cheville malgré leur perfection. ». Dire qu’il lui avait fallu des années pour s’en rendre compte d’ailleurs. Elias laissa son air sérieux de côté et garda malgré tout ses bras contre son torse. « Tu viens d’illuminer ma journée en tout cas ... Tu n’as pas idée à quel point je peux être heureux de t’entendre dire ça et je peux te promettre qu’on s’en sortira plus que bien tous les deux parce que je ne compte pas refaire les mêmes erreurs et que je vais faire en sorte que toi et moi ça soit une relation sincère et solide. ». Elias avait tout un long speech en tête, toutefois la fatigue l’empêchait de se souvenir de chaque mot auxquels il avait pu penser et le bonheur qui l’envahissait tout d’un coup lui permettait surtout de sourire comme un idiot en regardant Aladiah avec tant d’amour que s’il s’était vu, le jeune homme se serait lui-même claqué.

Prend ton temps pour répondre, je sais que t'en as pas mal avec Conrad, alors favorise-le

Son estomac n’avait pas voulu se dénouer. Il continuait de ressentir cette angoisse en lui alors qu’il savait pertinemment ce qu’elle allait lui dire. Il n’était pas né de la dernière pluie et aussi fatigué qu’il pouvait l’être, la table ainsi dressée et le repas qui les attendait laissaient parfaitement sous-entendre qu’il allait enfin entendre ce qu’il rêvait d’entendre depuis des mois. Mais il était ainsi, après une mauvaise journée et poussé par la fatigue, il en venait à s’angoisser pour rien, comme quoi la jeune femme et lui se ressemblaient beaucoup sur ce point. Toutefois, il l’avait écouté avec attention sans jamais prendre le risque de l’interrompre, pas parce qu’elle le lui avait demandé, mais bien parce qu’après toutes ces années il la connaissait par cœur et que pour cette raison il savait qu’une fois coupée dans son élan elle n’irait pas jusqu’au bout de ce qu’elle avait à lui dire. L’avocat avait également conscience du fait que la jeune femme prenait beaucoup sur elle en prononçant ces mots. Ils avaient pendant longtemps tout fait pour nier leurs sentiments. Ils étaient meilleurs amis depuis des années et ils avaient grandi ensemble. Durant des années ils s’étaient considérés comme frère et sœur, le fait de vivre sous le même toit tout ce temps n’avait fait que renforcer cette impression. Imaginer s’aimer l’un et l’autre d’un amour plus fort que l’amour fraternel avait été inenvisageable pour tous les deux et pourtant arriva un moment où le jeune homme avait été incapable de combattre ses sentiments plus longtemps. Avoir manqué de la perdre si brusquement lui avait ouvert les yeux. La simple idée de la perdre pour toujours alors qu’il ne lui avait rien dit avait été une véritable torture parce qu’il l’aimait bien trop pour ça même s’il avait tenté de le nier à lui-même. Lui avouer qu’il l’aimait au réveil de leur opération et alors qu’il venait de lui donner un de ses reins pour lui sauver la vie n’avait pas été une décision très judicieuse, cependant les mots avaient franchis la barrière de ses lèvres bien plus vite qu’il ne l’aurait voulu. Néanmoins, il ne l’avait pas regretté, tout du moins pas jusqu’à ce que la jeune femme lui demande du temps et que, comme un idiot, il prenne la fuite dans leur pays natal.

Seulement, c’était toutes ces petites choses de leur passé, toutes ses petites erreurs qui ce soir les menaient là où ils en étaient, aux paroles touchantes qu’Aladiah venait de prononcer. Oh oui, il l’aimait cette jeune femme pour qui il était prêt à tout, même à donner sa vie. Elias se trouvait bien idiot de ne pas avoir fait le premier pas auparavant et surtout d’avoir agi comme un idiot, un point qu’il n’était pas encore prêt à se pardonner. Aladiah lui avait peut-être donné une seconde chance, elle avait peut-être classé l’affaire, mais l’avocat était encore incapable d’aller de l’avant car il ne cessait de s’en vouloir de sa réaction bien qu’il n’en montrait rien. Cependant, il était heureux d’être rentré ce soir, heureux d’avoir la bonne surprise de voir une belle table dressée et la jeune femme habillée autrement qu’en tenue décontractée comme elle en avait l’habitude. Elias était assez intelligent pour comprendre ce qui allait se passer, mais il avait tenu à la laisser parler, non pas pour la torturer mais bien parce qu’il avait besoin d’entendre Aladiah prononcer ces mots. Il se sentait tout léger à présent et il ne parvenait pas à faire disparaître le petit sourire de satisfaction qui étirait le coin de ses lèvre ni même à quitter la jeune femme des yeux. Sa mauvaise journée, il l’oubliait un peu plus à chaque instant qui s’écoulait et sa fatigue s’évaporait tout aussi vite. La seule chose qui importait maintenant c’était eux deux et pour l’instant le reste du monde n’avait plus la moindre importance aux yeux d’Elias. « J'espère que tu ne comptes pas refaire les mêmes erreurs ! Mais je te fais confiance... ». Tandis que son sourire restait donc peint sur ses lèvres, les derniers mots prononcés par Aladiah eurent le don de le réveiller et de le mettre de bonne humeur d’un coup. Elle lui faisait confiance … elle lui faisait à nouveau confiance et Elias ne put s’empêcher de répéter encore et encore cette petite phrase dans son esprit, plus heureux que jamais. L’avocat aurait voulu se lever de sa chaise, la prendre dans ses bras et l’embrasser avec fougue, mais il resta assis, un sourire niais illuminant son visage.

Il était fou de voir comme une simple phrase pouvait le rendre heureux, surtout dans une situation aussi belle que celle-ci. Néanmoins, son envie de l’embrasser allait être satisfaite, Elias le devina en voyant Aladiah se pencher sur la table pour approcher son visage du sien. Elle n’eut pas à se faire prier pour qu’il s’avance à son tour tant il souhaitait goûter une nouvelle fois à ses lèvres. Toutefois, malgré la tournure de cette journée, malgré ce baiser, Elias avait encore du mal à réaliser qu’ils étaient ensemble et se connaissant il savait que même le lendemain il aurait beaucoup de mal à croire que lui et Aladiah se lançaient de l’aventure d’une relation sérieuse. « Je n'veux pas briser ce moment, mais tu as vraiment l'air épuisé, je suis certaine que tu meurs de faim aussi... Et j'aime autant éviter que tu ne t’évanouisses sur place. ». Ce qu’il aurait voulu faire perdurer ce moment un peu plus longtemps, mais vu la tendance protectrice qu’elle avait avec lui, Elias ne fut pas plus surpris que ça, amusé mais pas surpris. L’avocat s’enfonça de nouveau sur sa chaise tandis qu’elle rejoignait la cuisine pour amener les plats cuisinés par Louisa et la voyant servir, il posa un regard doux et amusé sur elle avant de se lever. Le jeune homme contourna rapidement la table pour arriver à la hauteur d’Aladiah qu’il força doucement à lâcher la cuillère avant de faire en sorte de croiser son regard. « Étant donné que tu m’as mis le doute sur le fait qu’il y ait ou non du poison dans ces plats, j’ai bien envie de sauter le repas quelques instants pour trouver le moyen de te faire avouer si tu voulais m’empoisonner. ». Un sourire espiègle vint étirer ses lèvres. Elias posa doucement l’une de ses mains sur la joue d’Aladiah tandis que la seconde alla se glisser dans son dos pour l’amener un peu plus près de lui. Il y avait tellement longtemps qu’il attendait ce moment que l’avocat était incapable de patienter plus longtemps. Son regard se plongea quelques longues secondes dans les yeux d’Aladiah et pour la taquiner quelque peu, il prit tout son temps pour approcher son visage de celui de la jeune femme jusqu’à enfin sceller leurs lèvres dans un doux baiser. Qu’il ait faim ou non, qu’il soit fatigué ou non, Elias s’en moquait, tout ce qu’il voulait pour l’instant c’était un moment avec elle et rien qu’elle dans leur petite bulle que rien ni personne ne pourrait briser.

Lorsque la perspective de rentrer chez lui était arrivée, il avait été soulagé. L’idée de quitter enfin son bureau et de pouvoir souffler l’avait enchanté. C’était le moment de la journée qu’il attendait le plus même si, le plus souvent, il passait une grande partie de la nuit à travailler sur certaines affaires. A vrai dire, c’était avant tout lorsqu’il était tranquille chez lui qu’il parvenait à se concentrer parce que dans l’appartement dans lequel il vivait avec sa meilleure amie il savait qu’il n’y aurait pas la même tension palpable qu’au bureau où il travaillait. Il était fatigué d’avoir sans cesse à lutter contre sa pulsion de tout envoyer balader. Il savait que son travail était important, que de travailler dans ce cabinet lui ouvrait d’ores et déjà des portes, mais le prix à payer en contrepartie en valait-il la chandelle ? L’avocat avait de sincères doutes à ce sujet, toutefois il n’avait pas les moyens de tout quitter comme ça, il savait trop ce qu’il perdait en se risquant à ce petit jeu car à trop jouer avec le feu on finit par se brûler. Néanmoins, le jeune homme savait qu’il n’aurait jamais de soucis financier, mais il suffisait d’une parole bien placée de son actuel supérieur pour lui voir les portes des cabinets les plus importants se fermer, après quoi il n’aurait d’autre choix que de travailler pour le procureur de l’Etat. Bien sûr, il y avait pire que cette idée, toutefois il aimait le fait de travailler indépendamment, de travailler dans un petit cabinet privé plutôt qu’au palais de justice – bien qu’il aimait l’endroit – mais petit à petit l’idée ne lui paraissait plus si terrible que ça et il savait que quelque part si son patron le voyait partir pour un concurrent il allait sincèrement s’en mordre les doigts, toutefois il avait encore de la marge car malgré son agacement, il ne comptait pas partir tout de suite. Cependant, rentrer chez lui était une véritable délivrance tous les soirs. Il retrouvait une ambiance bien plus sereine, il était plus enclin à travailler et surtout il y avait Aladiah.

Chaque jour, l’idée de revoir la jeune femme permettait à Elias de se sentir mieux et de vouloir faire en sorte que sa journée passe plus vite même si parfois c’était bien difficile. Pourtant, jamais il ne se serait attendu à un tel accueil. L’avocat avait été amusé de voir tout ce qu’elle avait fait pour l’accueillir ce soir. Il appréciait le geste et se doutait quelque part que tout ceci était afin de lui annoncer quelque chose qu’il n’espérait plus entendre. L’effort qu’elle avait fait même sur un point vestimentaire le touchait et même s’il était impatient de l’entendre dire ce qu’elle avait à dire, Elias prit son mal en patience et ne parla que lorsqu’il jugea que c’était nécessaire. Il la connaissait par cœur, aujourd’hui c’était indéniable et il ne voulait pas risquer de la braquer, pas alors qu’il attendait ces mots depuis plusieurs mois déjà, si ce n’était pas des années même mais pour ça il aurait fallu qu’il soit conscient de ses sentiments pour la jeune femme bien plus tôt. Elias ne parvint pas à effacer le sourire qui étirait ses lèvres. Il devait probablement avoir l’air béat, mais il s’en moquait, il était heureux et c’était tout ce qui importait. A de nombreuses reprises il fut pris par l’envie de lui couper la parole par un baiser, mais une fois de plus Elias fut capable de se retenir et avec la fatigue qui s’était emparée de lui ce ne fut pas bien difficile. Toutefois, plus Aladiah s’exprimait et moins il était fatigué, moins il avait envie de manger aussi. Toute ce qu’il souhaitait c’était de profiter au maximum de cette soirée, profiter autant que possible de ce moment qu’il attendait avec impatience. Il voulait que ça soit juste un moment entre elle et lui, qu’ils oublient le reste, qu’ils oublient la faim et l’angoisse pour être uniquement ensemble, dans leur petite bulle. Lui, ne tenait plus et l’idée de manger l’agaçait. Elias refusait d’attendre plus longtemps, il refusait de se contenter du simple baiser qui avait scellé les paroles d’Aladiah, il voulait plus, il désirait plus et ce depuis qu’il avait pris conscience de ses sentiments pour la jeune femme. Il souhaitait qu’elle soit tout à lui, rien qu’à lui et attendre encore un peu plus longtemps – même si ce n’était pas des mois – était impensable.

Sentir ses bras autour de son cou et son corps se reprocher du sien le fit sourire, un sourire qui se devinait même lorsqu’il l’embrassa et ce fut un regard heureux et pétillant qu’il posa sur elle lorsqu’Aladiah se cambra de sorte à pouvoir le regarder elle aussi. « Il va falloir être beaucoup plus convainquant pour obtenir une réponse... ». Elias eu tout juste le temps de lui adresser un sourire amusé que déjà elle repartait à l’assaut de ses lèvres. Les mains du jeune homme glissèrent sur les hanches de la jeune femme et tandis qu’elle l’amenait doucement en direction de sa chambre, sans cesser de l’embrasser. Elias fit de son mieux pour ne rencontrer aucun danger en cours de route puisqu’avec sa chance il aurait bien vite fini par terre, le nez en sang. Néanmoins, il n’eut aucune catastrophe et rapidement ils atteignirent la chambre de la jeune femme. Peut-être allaient-ils trop vite ? Peut-être était-il trop tôt ? L’avocat n’en savait rien et il n’avait pas envie de savoir. Il écoutait juste cette pulsion qui le forçait à garder Aladiah près de lui et à l’embrasser. Le jeune homme avait attendu longtemps, il avait fait en sorte de regagner sa confiance et n’avait plus fait l’idiot depuis qu’il était revenu à New York. Sans prévenir, il fit en sorte de porter Aladiah en s’assurant qu’elle ne risquait pas de tomber aussi rapidement qu’il l’avait prise contre lui. Le jeune homme avait chaud, un peu trop chaud d’ailleurs, mais c’était une sensation agréable. Il avança jusqu’au lit et posa la jeune femme avec délicatesse sur le matelas tout en cessant de l’embrasser, se contentant seulement de plonger son regard dans le sien, un large sourire aux lèvres. « Tu es sûre de vouloir aller au bout ? ». Il ne voulait pas qu’elle regrette quoi que ce soit. Cette inquiétude qu’il avait toujours eue pour elle le forçait à poser la question même s’il espérait sincèrement qu’elle en soit sûre, qu’elle ne décide pas de tout arrêter maintenant qu’il avait posé la question. Tendrement, Elias passa une main sur son visage dans l’attente de sa réponse, un léger sourire toujours présent sur son visage.

Leur relation s’était toujours basée sur une amitié. Peut-être semblait-elle simple aux yeux des autres, mais elle ne l’avait jamais été pour la simple et bonne raison qu’ils étaient bien trop proches pour se contenter de si peu. Ils avaient toujours été là l’un pour l’autre, toujours prêt à se soutenir dans les pires moments en se moquant éperdument de l’avis des autres vis-à-vis de leur choix. Leur amitié, leur lien avait été la seule chose vraie qui avait eu de l’importance aux yeux du jeune homme. Elle lui avait sauvé la vie plus d'une fois sans même s’en rendre compte. Elle lui avait permis de continuer à se battre alors qu’il se sentait plus rejeter que jamais. Elle lui avait apporté le soutien et l’amour nécessaire pour qu’il tente chaque jour d’être le meilleur et de prouver à tous qu’il n’était pas que le fils rejeté de la famille Van Santen. Il s’était toujours promis de veiller sur elle et de la protéger contre vents et marées dans la mesure du possible et l’avocat avait la sensation de s’en être plutôt bien sorti jusqu’à présent. Il s’était évertué à ne jamais la laisser tomber et avait échoué une fois, pourtant Elias avait de son mieux pour se rattraper et ce à peine après avoir posé les pieds sur le sol américain. Il avait tout fait pour se faire pardonner. Il avait tout fait pour lui prouver combien il était sincère et lui montrer que cette fois il ne comptait pas la laisser lui échapper. Elle était la seule qui comptait. Il avait aimé avant elle, mais il avait appris ce qu’était vraiment l’amour pour elle.

Malgré l’importance que leur amitié pouvait avoir après toutes ces années, il n’avait pas baissé les bras étant persuadé qu’ils étaient faits l’un pour l’autre comme on avait eu de cesse de leur répéter alors que ni Aladiah ni lui n’avaient voulu écouter. Néanmoins, il avait fini par s’en rendre compte. Il avait compris que la seule personne qui faisait véritablement battre son cœur était cette jeune femme avec qui il avait grandi et vécu. Ça avait toujours été le cas, mais Elias avait été trop borné et trop idiot pour s’en rendre compte, mais à présent il ne comptait pas perdre une seule minute bien qu’il laissait entièrement le choix à Aladiah de décider de leur avenir à tous les deux. Certes, c’était sans doute beaucoup de pression pour la jeune femme qui ne devait pas savoir quoi penser de ses propres sentiments, mais Elias lui faisait entièrement confiance et il savait que dans tous les cas il se plierait à sa volonté et essayerait de passer à autre chose si elle favorisait leur amitié plutôt qu’une probable relation de couple. Toutefois, ce n’était pas le cas et le hollandais ne pouvait pas cacher son soulagement. Il aurait été capable de finir avec une autre femme pour conserver leur amitié seulement ça n’aurait jamais été la même chose. Les sentiments qu’il aurait pu développer pour une autre n’auraient pas été aussi forts que ceux qu’il éprouvait aujourd’hui pour son amie de toujours. L’entendre lui dire qu’elle voulait leur donner une chance, goûter à nouveau à ses lèvres et l’avoir près de lui était une sorte de délivrance pour Elias qui touchait du bout des doigts un espoir qu’il nourrissait depuis son retour à New York.

La quitter maintenant, il s’y refusait, tout comme il ne voulait pas éloigner ses lèvres de celles d’Aladiah bien trop heureux de pouvoir enfin les emprisonner à sa guise. Se rendre jusque dans la chambre de la jeune – ce qui valait mieux que la sienne où régnait l’apocalypse – laissait clairement sous-entendre ce qu’Aladiah avait derrière la tête et même si Elias n’avait rien contre, il ne put s’empêcher de vouloir s’assurer qu’elle était vraiment certaine de vouloir aller au bout. Il la respectait trop pour risquer d’aller trop vite et il tenait trop à elle pour ne pas lui faire savoir. « Certaine. ». Un petit sourire vint alors étirer les lèvres d’Elias qui était plus que satisfait de sa réponse. Silencieux, il se pencha en avant afin de capturer ses lèvres une nouvelle fois et sentit un frisson parcourir toute son échine lorsque les mains de la jeune femme touchèrent la peau de son torse à présent nu. « Et toi ? ». L’avocat posa les yeux sur la jeune femme et prenant appui sur l’une de ses mains, la seconde vint caresser tendrement le visage d’Aladiah, son index allant de sa tempe jusqu’à ses lèvres qu’il ne tarda pas à capturer une nouvelle fois. « Certain. ». Ce mot prononcé, il ne lui laissa pas le temps de répliquer quoi que ce soit que déjà il l’embrassait à nouveau tandis que sa main glissait lentement en direction de l’une des hanches d’Aladiah. Même si sa respiration commençait à être de plus en plus irrégulière, Elias refusait de s’arrêter, il refusait de lâcher les lèvres de la jeune femme et tant pis si ses poumons étaient en feu. Le jeune homme refusait de perdre un seul instant de ce moment avec Aladiah, après tout le jour viendrait bien trop vite mettre un terme à cette soirée.

[…]

Fermer les volets de la chambre aurait été une excellente idée qui, visiblement, ne leur était pas venu à l’esprit la veille, mais comment les blâmer tant ils avaient pu être occupés à autre chose ? Pourtant, Elias aurait rêvé de pouvoir dormir un peu plus longtemps au lieu de se voir réveiller par les rayons du soleil qui frappaient son visage sans le moindre remord. Une grimace apparue sur son visage et le jeune homme dû ciller à plusieurs reprises pour tenter de s’habituer à cette lumière vive qui lui brûlait les yeux. Certain de ne pas pouvoir y parvenir en faisant face à la fenêtre, l’avocat se tourna sur son côté et posa les yeux sur Aladiah qui, contrairement à lui, dormait toujours aussi paisiblement tandis qu’un sourire attendri apparaissait au coin des lèvres du jeune homme. Elias la regarda dormir quelques minutes de plus avant de se risquer à remettre une des mèches blonde derrière son oreille et de passer doucement sa main sur son visage. Même à la voir ainsi près de lui, même après la nuit qu’ils venaient de passer ensemble, il avait encore du mal à réaliser qu’à présent il n’était plus célibataire mais bien en couple avec la seule femme qu’il aimait véritablement. Ces jours allaient être plus gaie et moins difficile maintenant qu’il aurait juste à penser à ceci pour se sentir heureux. Tout aussi délicatement qu’elle était venu se poser sur son visage, sa main alla prendre place sous la tête du jeune homme qui se contenta de la regarder dormir, son sourire toujours aux lèvres.