Aller à la bibliothèque universitaire pendant tes vacances d'été, c'est bien quelque chose que tu n'aurais jamais pensé faire. Sauf que si, c'est bien ce que tu vas faire aujourd'hui. Alors, certes, ça n'est absolument pas pour étudier, mais c'est quand même quelque chose qui te ramène à ta vie universitaire et à la vie que tu mènes donc les deux tiers de ton temps. Mais t'y vas de bon cœur, personne ne t'y as obligé, absolument personne. En fait, tu viens à la bibliothèque pour une personne précise. Tu ne l'as vu qu'une fois et tu t'étais jurée à ce moment là que ce serait la dernière. Seulement, il a fallut que tu te sentes mal pour ce type que tu as mit en garde à vue sans vraiment le vouloir et sans vraiment en être consciente. Alors tu te sens dans l'obligation de lui présenter tes excuses. Ce qui n'est pas vraiment le genre de choses pour lequel que tu es particulièrement douée. Alors tu t'es contenté de trouver ce mec et d'obtenir des informations sur lui par tous les moyens possibles. Tu as apprit rapidement qu'il avait loupé ses examens de fin d'année et qu'il était donc dans l'obligation de passer aux rattrapages. Tu as ensuite enquêté pour savoir où il pouvait bien habiter, tu t'es demandée où il pouvait réviser et s'il révisait et tu as longuement hésité sur quel lieu choisir pour le rencontrer. Au final, c'est vers la bibliothèque que s'est porté ton choix et c'est donc pour cette raison que tu t'es renseignée pour savoir vers quelle heure il entrait dans le bâtiment et vers où il avait l'habitude de s'asseoir. Une fois que toutes ces informations furent réunies en place dans ta boite crânienne, tu t'es décidée à y aller et à le rencontrer une seconde fois. Et c'est ça, que tu comptes faire maintenant, aller vers lui et lui demander pardon. Certes, il cherche sans doute à être tranquille pendant qu'il révise, mais tu as fait en sorte de choisir un moment où il s'accorde généralement une pause café. Tu t'es donc postée derrière lui, à une table. Et autant dire qu'il ne t'as même pas remarqué, trop concentré sur ses cours pour faire attention à ce qu'il pouvait bien se passer près de lui. Il y aurait le feu qu'il ne s'en serait pas aperçu. Toi, en revanche, tu passes ta vie à lever la tête pour voir où il est. Le moindre bruit de chaise te fait frémir et te contraint à le regarder de nouveau pour voir s'il s'est levé. Et enfin, aux alentours de quinze heures trente, il se lève et se dirige vers la machine à café, au rez-de-chaussée. Il laisse toutes ses affaires en place, histoire de ne pas avoir à tout remballer pour tout ressortir, alors t'en profite. Tu remballes toutes tes affaires, elles sont là pour faire joli de toute façon. Tout ce que tu as fait sur ton bloc note, c'est dessiner distraitement des visages en façon manga. Tu t'assoies ensuite à sa table. Les tables, c'est quatre places et donc, quatre chaises. Tu t'assoies donc sur celle qui est en face de la sienne et tu attends ton retour patiemment. Et il ne lui faut pas longtemps pour poser son café près de son livre ouvert et de son bloc note sur lequel il a surligné quelques phrases en jaune. Son regard se pose sur toi, manifestement entre la surprise et le dégoût que ta présence peut lui inspirer. Après tout, tu n'as pas à lui en vouloir pour ça, ça n'est pas toi qui a passé ta soirée en prison après votre entre-vue. Tu te racles la gorge et tu prends une courte inspiration avant de commencer. « Bonjour. Danjel, c'est ça ?» Tu avales ta salive, tu sais que c'est ça, puisque t'as cherché à tout savoir de lui ! A vrai dire, tu ne lui laisses pas le temps de répondre avant de continuer sur ta lancée. « Je suis... Esma Khatami, tu m'as croisée l'autre jour dans la rue et j'étais un peu... apeurée par ta présence. Enfin, pas par ta présence, mais par ton comportement. » Bien sûr qu'il sait, il était là. Une nouvelle fois, tu reprends la parole. « Tu dois trouver bizarre le fait que je vienne te parler ici et je ne serai pas longue, je le promets. » Et enfin, tu conclues. « Tu dois trouver bizarre le fait que je vienne te parler ici et je ne serai pas longue, je le promets. Si je suis là, en fait, c'est pour te présenter des excuses. Je suis... vraiment désolée pour la nuit que tu as passé au poste, ça n'était pas du tout dans mes intentions de te faire passer un moment pareil. » Tu as presque apprit ton speech par cœur, alors tu avais un peu plus d'assurance qu'habituellement. Mais une fois ce passage terminé, tu n'es plus vraiment en mesure de jouer la fille sûre d'elle et tu te sens bien vite dépassée par toutes les émotions qui te traversent. Tu rougis sans pouvoir y faire quoi que ce soit et tu te sens vraiment mal pour lui. Tu fuis son regard, parce que d'une part, c'est le plus beau mec que t'aies jamais vu de ta vie et d'autre part, parce que t'es pas sûre de trouver de la sympathie dans son expression faciale.

Depuis le début de ton petit discours, tu vois bien qu'il est pas très disposé à être gentil et compréhensif. Pourquoi le serait-il de toute façon ? Tu vois clairement sur son visage qu'il t'en veux et qu'il est un tantinet énervé. Alors fuir son regard, juste après avoir terminé ton petit repentit, c'est sans doute la seule chose que tu puisses faire en attendant sa réaction parlée. Quoi de plus intéressant que de regarder par la grande baie vitrée, le bâtiment d'à côté et des employés au téléphone, branché sur leurs ordinateurs ? Y'a des tas de choses beaucoup plus intéressantes, c'est un fait. Mais à vrai dire, t'as pas tellement envie de commencer à les énumérer. Alors lorsque tu vois que Danjel commence à bouger, ton attention est vite attirée par lui et tu finis quand même par le regarder. Pas dans les yeux, parce que t'as peur de ne pas pouvoir soutenir son regard ou de te sentir encore plus mal. Tu commences à douter de l'idée que t'as eu, c'était peut-être pas l'idée du siècle, de venir ici pour lui présenter des excuses. T'aurais peut-être dû l'oublier, ranger tes remords dans un petit coin de ton cerveau pour ne jamais les ressortir et les laisser croupir pendant des décennies. Mais non, t'es pas comme ça et quand tu t'estimes coupable de quelque chose, tu vas droit vers le tribunal pour te faire juger et condamner. Et là, c'est que t'es entrain de faire, et l'expression qui peut se lire sur le visage de Danjel n'est pas vraiment celle que l'on pourrait trouver sur les visages d'un jury compatissant, au contraire. T'as l'impression d'assister à ton procès, avec au bout, la peine de mort.

Il a les bras croisé, signe qu'il n'est pas tellement disposé à dialoguer. Enfin ça, c'est que t'as toujours entendu dire, encore quelque chose de psychologique qui te dépasse un peu et que tu ne veux pas comprendre. Mais tu l’interprètes ainsi parce que tout le monde l’interprète ainsi et parce que c'est sans doute la réalité, dans cette situation. « Esma Khatami… la fille de Mohammad Khatami je présume ? » Là, pour le coup, ton regard se encre directement dans le sien et la panique peut s'en doute se lire dans tes pupilles. Comment sait-il ? Combien de personnes aux Etats-Unis connaissent le nom d'un ex-président Iranien ? Peu, tu l'espères. Tu ne sais pas quoi répondre, ton regard se baisse bien vite, ce qui te trahit sans doute encore plus. Alors tu le relèves, et t'as exactement la même impression. Ta bouche est légèrement ouverte, tu sais pas trop où regarder, alors tu finis par te résigner. « Gagné. » dis-tu simplement, tout en tournant la tête. Merde, tu viens de dire à un mec que tu connais à peine ta réelle identité. Ce que tu peux être bête... Mais t'y peux rien, tu pouvais pas faire comme si de rien n'était après avoir eu la réaction que tu as eu maintenant. Ca aurait été définitivement trop bizarre. Autant être honnête, t'es la fille de Mohammad, t'es une descendante de Mahomet et t'es censée être fière de tout ça. Sauf que non, parce que ça peut nuire à ta sécurité que tu sais déjà assez fragile. « La prochaine fois, tu diras à tes gardes du corps qu’un homme qui t’approche n’a pas forcément l’intention de te kidnapper ou de te tuer. » Son ton n'est pas vraiment amical et t'as l'impression qu'il te déteste lorsqu'il te dit ça, t'as vraiment la sale impression que tu es définitivement une salope et que cette image qu'il a de toi ne se changera jamais en quelque chose de plus agréable. Non, tu resteras la salope qui l'a envoyé au poste de police pendant une nuit entière et à qui il en voudra toute sa vie, ce qui a le don de te froisser. Ton regard traduit cet agacement, mais c'est pas un agacement plein d'énervement, au contraire, c'est plutôt triste. T'as jamais eu envie de l'envoyer au poste de police, loin de là... T'as juste eu peur d'un mec qui avait un peu trop fait la fête et qui a tenté de t'aborder en pleine nuit dans la rue. Oui, t'as eu peur et c'était normal, mais jamais tu ne ferais en sorte que quelqu'un aille en prison, même pour une nuit. Bien sûr, tu sais que le système judiciaire des Etats-Unis n'est pas le même que celui de l'Iran, mais t'as toujours ces vieilles peur au fond de toi... Comme ces rêves que tu faisais, de toi, torturée à la prison de Téhéran et qui t'ont suivit aux Etats-Unis. T'as rêvé de ça la nuit où Danjel s'est retrouvé dans une cellule pour une nuit, parce que ça t'a marqué. « Comme je t'ai dit, je suis désolée et c'était pas mon intention. Ils font leur boulot, il faudrait vraiment que tu les comprennes. C'était pas si évident, t'avais pas l'air très clean non plus ! » dis-tu pour te justifier. T'as peur qu'il te rembarre et il aurait tous les droits de le faire, alors t'as plus qu'à espérer qu'il ne soit pas trop dur... L'espoir fait vivre.

pardon pour la longueur, pour la nullité, pour tout !