Tout était allé très vite. Bonnie marchait dans la rue, tranquillement, et allait traverser pour aller promener son chien Walter dans Central Park, et pour faire un peu d’exercice par la même occasion. Par exercice entendez de la simple marche, pas intensive du tout. C’était juste que la jeune femme ne sortait plus beaucoup, sa grossesse avançant de plus en plus et son ventre s’arrondissant de plus en plus aussi. A sept mois passés, elle était de plus en plus fatiguée et rechignait à chaque fois à sortir. Ses seuls trajets consistaient à aller de son lit au canapé, du canapé au frigo, du frigo à la salle de bain, pas toujours dans cet ordre-là. Puis bien sûr il y avait ses visites chez le médecin. Mais c’était tout, ses sorties se résumaient en général à ça. Aujourd’hui, elle s’était réveillée avec un peu plus d’énergie que d’habitude. Elle était moins fatiguée, elle étouffait presque dans son appartement, il fallait qu’elle sorte prendre l’air. La voilà donc qui marchait dans la rue, son sac sur l’épaule, la laisse de son chien dans une main. Et comme dit plus haut, ce qui s’était passé ensuite était allé très vite. La jeune femme et le chien attendaient pour s’engager sur le passage piéton quand le feu était passé au vert pour eux. Une dame d’un certain âge marchait à leurs côtés quand Bonnie vit une voiture arriver à vive allure dans leur direction, elle eut ensuite le pressentiment que cette voiture n’allait pas s’arrêter malgré le feu rouge. Elle empoigna donc la vieille dame par le bras et l’attira le plus vite possible sur le trottoir. Elle reprit ensuite ses esprits juste à temps pour constater qu’elle avait eu une bonne intuition et que la voiture ne s’était pas arrêtée. Elle s’appuya contre un mur, essoufflé, et un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Elle avait sauvé une vie, elle était fière d’elle. Elle se mit ensuite à paniquer légèrement : premièrement, elle ne savait pas si elle pouvait se permettre ce genre de montée d’adrénaline et de mouvements alors qu’elle était si enceinte, ensuite elle venait de s’apercevoir qu’elle ne tenait plus la laisse dans sa main. Elle avait lâché Walter ! Elle s’approcha vite du bord du trottoir pour scruter les alentours, espérant que son chien ne soit pas passé sous les roues du chauffard. Ce fut un grand soulagement lorsqu’elle le vit de l’autre côté de la rue, à l’attendre patiemment. Elle allait le rejoindre quand elle fut interpellée par une voix : « Mon petit ! Vous m’avez sauvé la vie ! Je… Je ne sais pas comment vous remercier ! » La vieille dame était essoufflée elle aussi, elle avait dû avoir encore plus peur que Bonnie et plus de mal à reprendre ses esprits aussi. Pressée de traverser, la jeune femme lui fit un large sourire et lança tout en traversant : « Un merci suffit ! Je n’allais quand même pas vous laisser vous faire renverser. » Puis traversa pour de bon. Elle récupéra ensuite Walter et ils purent commencer leur promenade. C’était un sacré moyen de commencer une journée ça, tiens.

La promenade pris fin aux alentours de midi. Bonnie était toujours relativement en forme. Ils avaient bien marché mais visiblement pas suffisamment pour lui donner envie de retourner s’enfermer dans son appartement et comater sur son canapé. Elle allait déjeuner dehors, c’était une bonne idée. Une petite salade et un bon soda frais en terrasse, ce serait parfait. Elle s’empara de son portable et fit défiler sa liste de contacts pour trouver avec qui elle déjeunerait. Son choix se fit bien vite : un nom tout en haut de la liste retint son attention. Ariana. La jeune femme n’avait pas vu son amie depuis un moment, et elle voulait avoir de ses nouvelles. Nina était enceinte elle aussi, et selon toute vraisemblance elle n’allait pas tarder à accoucher. Bonnie l’appréciait beaucoup, elles pouvaient parler de leurs grossesses respectives, deux grossesses non désirées, et pouvaient s’épauler et se conseiller dans les moments un peu plus difficiles. Elles se sentaient moins seules ainsi, même si les pères respectifs étaient là pour elles, ils avaient plus de mal à comprendre ce qu’elles traversaient. Bonnie lui envoya un message sans tarder, lui donnant rendez-vous dans un de ses restaurants préférés, à Manhattan. La brunette avait accepté. Ravie, la jeune femme s’était remise en route, à pieds toujours, pour le restaurant. Elle rentrerait très certainement en taxi, mais pour le moment, elle avait toujours de l’énergie à dépenser. Quand elle arriva devant le restaurant où les deux futures mamans devaient déjeuner, elle trouva Ariana assise en terrasse. C’était parfait ! Un large sourire aux lèvres, Bonnie se dépêcha d’aller retrouver son amie et d’aller s’asseoir en face d’elle. « Alors, comment va ma future maman préférée ? C’est pour bientôt, non ? » demanda-t-elle pour engager la conversation et tout en attrapant un menu. Elle avait VRAIMENT très faim.

Quand Bonnie arriva devant le restaurant dans lequel elle avait donné rendez-vous Ariana, elle trouva son amie assise en terrasse. Visiblement, elle était en train de regarder, ou admirer plutôt, quelque chose en face d’elle, non loin. Bonnie tourna la tête et vit un jeune homme plutôt charmant assis à une table pas très loin de la leur. La jeune femme esquissa un petit sourire tandis qu’elle embrassait Ariana pour la saluer. Elle s’assit ensuite, se décalant un peu sur le côté pour ne pas lui gâcher la vue si jamais elle voulait continuer à le regarder pendant qu’elles parlaient. Bonnie lui demanda comment elle allait pour démarrer la conversation. " Hum .. la future maman est fatiguée. Je viens de faire 4 aller-retour entre Brooklyn et Manhattan en bus ... enfin bref. Normalement, dans 3 semaines c'est fini. Et toi, alors ? C'est pour quand déjà ?". La jeune femme hocha la tête, compatissante. Elle était bien placée pour savoir qu’une grossesse c’était fatiguant, surtout au bout de huit mois. Elle-même était de plus en plus souvent fatiguée, n’arrivant quasiment jamais à trouver les forces nécessaires pour sortir de son appartement. Plutôt que d’aller aux gens, c’est eux qui venaient à elle. Elle faisait tous ses achats par internet ou obligeait, avec gentillesse, ses amis à lui apporter ce dont elle avait besoin. Surtout que quand elle sortait, elle devait soit marcher soit prendre sa voiture : elle détestait les transports en commun et les taxis, qui, selon elle, ne faisaient qu’arnaquer leurs clients. Du coup, elle limitait ses déplacements pour ne pas se fatiguer davantage. « Vraiment ? Je ne sais pas comment tu fais, c’est une torture pour moi de simplement aller chercher le courrier. » Bonnie soupira. Elle avait tellement hâte d’accoucher ! Que son calvaire soit terminé et qu’elle puisse de nouveau sortir, ne plus être essoufflée à chaque pas, remettre ses vêtements et ses chaussures à talons qu’elle affectionne tant, boire à nouveau de l’alcool et du café, arrêter d’être trop sensible, de s’énerver, pleurer, rire pour un rien. Rien que d’y penser elle se sentit mieux. Apparemment, il ne restait que trois semaines à Ariana. Trois petites semaines, ce n’était rien comparé aux neuf mois qu’elles devaient endurer en tout. Bonnie allait bientôt être libérée également. « Eh bien logiquement c’est pour septembre. Dans la première moitié du mois. Donc… » Elle compta dans sa tête. « Bonheur ! J’en ai encore pour un mois, un mois et demi. » Plus qu’un mois et elle allait être maman. Maman pour cinq minutes. Après ça, sa fille serait confiée au couple que Pablo et elle avaient choisis. Leur fille serait heureuse et grandirait entourée d’amour, comme tout enfant le méritait. Si Bonnie avait choisi de faire adopter son enfant, cela ne voulait pas dire qu’elle ne l’aimait pas pour autant. Contrairement à ce qu’elle avait pensé, elle avait fini par aimer très fort ce petit-être qui grandissait en elle, et aujourd’hui elle savait que la séparation serait difficile, mais elle n’avait pas le choix, elle le faisait pour leur bien à toutes les deux. La jeune femme chassa ces pensées tristes de son esprit et se focalisa sur le menu. Elle était affamée et son ventre le lui rappela. " Hum ... j'ai jamais mangé ici. Tu me conseilles quoi ? Il faut un truc consistant qui peut nourrir à la fois moi mais aussi le petit morveux ..." Bonnie fit circuler son regard sur toutes les lignes du menu tandis qu’elle répondait à son amie. « Leurs salades César sont excellentes. Et leurs hamburgers ! Les meilleurs de la ville. Tu devrais en prendre un. Après, tout est très bon mais ces deux plats sont ceux que je prends toujours. » Et elle n’allait pas déroger à son habitude. Elle ferma le menu et le posa devant elle, ayant fait son choix et salivant d’avance. Elle ne tilta qu’après sur la façon dont Ariana avait appelé son bébé. « Le petit morveux ? C’est un garçon alors ? » Depuis le temps qu’elles se connaissaient, elles n’avaient encore jamais abordé cette question, aussi bizarre que cela puisse paraitre. Puis la jeune femme vit son amie se remettre à regarder le jeune homme d’en face. Bonnie observa leur manège et vit que garçon avait fini par tourner la tête, au grand désespoir de son amie. Celle-ci soupira et Bonnie sourit. " Rassure moi, c'est juste moi ou les hommes ont peur dès qu'il voit une femme enceinte ?" La jeune femme n’avait pas vraiment cherché à trouver un homme pendant sa grossesse donc elle n’avait pas eu ce genre de mauvaise expérience. Mais c’était un fait bien connu que les hommes aient peur des femmes enceintes. « Non, non, ils doivent vraiment avoir peur. On n’est pas méchantes pourtant… Enfin, imprévisibles, parfois, mais c’est tout… Mais bon ce mec-là n’en vaut pas la peine, je suis sure que tu ne perds rien. » Un serveur vint alors prendre leur commande et Bonnie prit une salade, un hamburger avec frites ainsi qu’un soda. Puis se re focalisa sur son amie. Elle avait l'air très déçue. Bonnie lui fit un sourire compatissant puis une question lui vint en tête... Le père de son enfant n'était plus dans le tableau ou quoi ? De ça non, plus elles n'en avaient jamais parlé, bizarrement. Elles avaient été trop occupées à se plaindre de leur situation. Sa curiosité était à présent piquée, elle devait lui demander. « Dis... ma question va te paraitre bizarre et un peu sortie de nulle part mais, tu n'es plus avec le père de ton enfant ? »

" Et oui, encore un mois et demi de difficultés pour se déplacer, d'envie soudaine de fraise et de sandwich au chocolat !" Bonnie soupira. Elle en avait tellement marre de ces difficultés dont parlait Ariana ! Elle donnerait n’importe quoi pour accoucher là, tout de suite, sur cette terrasse. Enfin peut-être pas sur cette terrasse devant tout le monde et peut-être pas tout de suite parce qu’elle avait très envie de manger son hamburger qui la faisait déjà saliver, mais l’idée était qu’elle accouche assez rapidement. L’échéance approchait, mais de nature impatiente, elle n’en pouvait plus du tout. Elle sentait qu’elle allait exploser à chaque pas, à chaque effort, à chaque seconde. « Oh oui, c’est long ! Et c’est très dur à vivre, le fait de ne pas pouvoir se déplacer pour aller chercher ces fraises. » Bonnie pouffa, puis elles commandèrent leurs plats, deux hamburgers et deux salades. Pour patienter jusqu’à l’arrivée de leurs plats, elles continuèrent à discuter. Etrangement, elles avaient beau se connaitre depuis quelques mois déjà, elles ne connaissaient pas le sexe du bébé de l’autre, elles ne savaient rien du père du bébé de l’autre non plus. En fait, elles avaient passé la plupart de leur temps ensemble à se plaindre des inconvénients de leur grossesse, et à parler de tout et de rien, surtout de tout sauf des détails qui auraient pu paraitre important. Mais peu importe, cela ne les empêchaient pas de bien s’entendre et de trouver de quoi remplir leur temps. Du coup, Bonnie était curieuse de savoir si son amie attendait une fille ou un garçon. Comme Ariana venait d’aborder le sujet, elle s’était dit que c’était la bonne occasion pour lui demander. " Hum non... je disais il pour le bébé, mais en vérité je ne veux pas savoir. Et toi ?" Bonnie hocha la tête, impressionnée. Elle s’était dit au départ qu’elle ne voulait pas savoir, parce que sa grossesse aurait été plus réelle encore, c’était une étape importante connaitre le sexe de l’enfant, puis elle ne voulait pas s’attacher, elle ne voulait pas imaginer comment serait son enfant plus tard, imaginer un avenir, essayer de trouver un prénom… En faisant ça, elle savait que la séparation serait beaucoup plus difficile. Mais curieuse comme elle était, elle n’avait pas tenu et avait craqué. « Et tu arrives à tenir sans savoir ? Tu n’es pas un tout petit peu curieuse ? » demanda-t-elle dans un sourire. « C’est une fille. » Son sourire se transforma en un sourire triste. Elle n’aimait pas trop penser à sa fille parce qu’elle savait qu’elle ne l’élèverait pas et ne la verrait pas grandir. Mais elle savait aussi qu’elle ferait le bonheur d’un couple qui n’arrivait pas à avoir d’enfants, et ça, c’était une réelle consolation. Leur conversation continua et bien vite le sujet du père de l’enfant d’Ariana vint sur le tapis. Bonnie avait été curieuse, une fois de plus. " Et bien, en vérité ... je n'ai jamais été avec lui. J'ai un peu honte de dire ça mais ... euh ... c'était une aventure d'un soir qui a assez mal finit. Je ne vivais même pas à New York à l'époque !" Oh. Bonnie ne s’y attendait pas vraiment, enfin, elle savait que son amie était célibataire mais elle ne savait pas qu’elle ne connaissait pas le père de son enfant. La jeune femme elle-même était célibataire et elle ne la jugeait pas, elle ne pouvait pas. C’étaient des choses qui arrivaient, elle n’avait pas à en avoir honte. "En vérité, j'ai un passé un peu sulfureux ..." Bonnie se mordit la lèvre, puis posa une main sur celle de son amie. Elle la serra un peu. « Tu n’as pas à avoir honte… Je ne vais pas te juger. » Elle appuya son propos d’un sourire. « Tu as réussi à retrouver le père du coup ? Il t’aide un peu ? Ou tu dois te débrouiller toute seule ? » demanda-t-elle, très inquiète pour son amie tout à coup. Elle ne voulait pas qu’elle ait à traverser tout ça toute seule.

Ariana n’était visiblement pas curieuse quant au fait de savoir si elle attendait une fille ou un garçon. Bonnie avait essayé d’attendre mais n’avait pas réussi. Elle était beaucoup trop curieuse pour ça, elle l’avait toujours trop été. Et neuf mois sans savoir c’était long ! Machinalement, elle posa une main sur son ventre, sur sa fille qu’elle ne verrait jamais grandir. Faire les boutiques pour bébés avec Sweva aurait été amusant, en y pensant. Elles auraient acheté tout un tas de vêtements pour fille, aurait acheté des meubles roses, des peluches, des poupées… Oh oui cette petite aurait été gâtée même avant sa naissance. Un serveur arriva avec leurs salades en plein milieu de la conversation. Bonnie accueillit l’assiette avec grand plaisir. Elle mourrait de faim et elle savait que cette salade, pour en avoir mangé tellement qu’elle ne pouvait plus compter, était excellente. Elles commencèrent à manger en silence, faisant une pause dans leur discussion. La jeune femme veilla à ne pas se mettre de la sauce partout. Walter bougeait de temps à autres ; sentant les morceaux de poulet. Il devait avoir faim lui aussi. Elle lui donna quelques morceaux. Après tout, il avait failli se faire renverser aussi. Son fidèle ami. C’était un peu son enfant, par procuration. Elle l’aimait vraiment et c’était la première fois qu’elle réussissait à s’occuper de quelque chose d’autre qu’elle-même, lui prouvant qu’elle était responsable et qu’elle avait quand même un petit côté maternel. Walter ne comblerait sans doute jamais le vide laissé par le manque de sa fille, mais il ferait un bon substitut quand même.

Leur conversation continua sur les hommes qui avaient peur des femmes enceintes puis dériva sur le père de l’enfant d’Ariana. Elle ne lui en avait jamais parlé et Bonnie était curieuse d’en savoir plus. Sans vouloir la mettre mal à l’aise cependant. Nina lui avoua un passé sulfureux et le fait qu’elle n’était plus avec le père de son enfant, qu’il ne s’agissait enfin que d’un simple coup d’une nuit. Ce n’était pas glorieux effectivement, mais la jeune femme ne pouvait pas juger son amie. En bonne amie qu’elle était, elle fit tout pour la rassurer. Elle vit même une larme s’échapper de son œil, larme qui n’eut pas le temps de couler. Bonnie était assez peinée. Vraiment, cette grossesse la changeait ! Elle n’aurait pas été peinée, avant. Elle aurait fait comme si elle n’avait rien vu. C’était avant. Elle s’enquit ensuite de savoir si elle avait réussi à retrouver le père, si elle avait quelqu’un pour l’aider. " Oh, oui, il dirige une grande multinationale là ... Greenwalt, tu connais peut-être ? Du coup, il paye tous les cours de préparations à l'accouchement, les vêtements, mon loyer etc.. " La jeune femme ouvrit la bouche, choquée, sans qu’aucun son ne puisse en sortir. Si elle s’y attendait, à ça. Lynch. Ariana était la Ariana de Lynch, la mère de son enfant. Il lui en avait presque tout de suite parlé, dès qu’il avait su, et elle connaissait Ariana depuis pas mal de temps… Et elle n’avait jamais pensé à faire le rapprochement ! Ça lui paraissait tellement logique à présent. Elle déglutit. « Tu… C’est toi… » Ses paroles ne faisaient aucun sens et elle en avait parfaitement consciente. Mais elle était vraiment choquée par ce qu’elle venait d’apprendre. Elle toussota. « Lynch est le père de ton enfant ? » Lynch était le père de son enfant… Ca alors. Elle n’était pas très sûre d’apprécier ça. Surtout qu’elle avait l’air de bien profiter de son argent, or elle était très protectrice quand il s’agissait de Lynch. « Je ne savais pas que tu étais la Ariana en question. Il m’a parlé de toi… » Oh ça oui, il lui en avait parlé.